Paul-André Proulx

Littérature québécoise

Andrès, Bernard.

Fidel, D'Iberville et les autres.
Éd. Québec Amérique, 2007, 215 p.

Des Terroristes québécois à Cuba

À l'occasion du 300e anniversaire de la mort de Pierre D'Iberville, décédé et inhumé à La Havane en 1706, le gouvernement canadien envoie un agent secret à Cuba afin de collaborer à l'organisation de la commémoration. En fait, ce n'est qu'un prétexte à une enquête sur les relations entre Cuba et les " méchants " Péquistes, qui ont offert au gouvernement cubain en 1999 une réplique de la statue de notre héros trônant sur la façade de l'Assemblée nationale. Parmi les souverainistes de gauche, existeraient-ils des terroristes, des felquistes nouvelle vague, en train de monter un coup fumeux pour mousser l'indépendance du Québec ?

C’est la trame qui a servi à la novella écrite par Linda Amyot. Une Québécoise, devenue stérile à la suite d’une chirurgie, s’adresse à un organisme d’adoption internationale afin de devenir la mère d’une petite Asiatique. Ai Van, la mère biologique, perd en un instant son amoureux et sa fille, qui, dès son arrivée en ce monde, est abandonnée de façon anonyme dans un couloir de l’orphelinat de Hon Gai, une ville du Viêt-nam sise dans la baie de Ha Long.

L’auteur suit en parallèle le cheminement de ces deux femmes. En alternant leur voix, elle fait ressortir d’abord les tourments d’une mère adoptive qui trouve le temps bien long avant que les ententes soient conclues. Le pire, c’est le questionnement qui taraude celle qui veut goûter au plaisir de la maternité via l’adoption. Tôt ou tard, cette option ressurgira sur l’enfant du couple. Comment réagira-t-il à son intégration forcée? Le dilemme est d’autant plus épineux qu’on lui rappellera sans cesse que ses yeux bridés ne cadrent pas avec la rondeur de ceux des Occidentaux. Dans un tel contexte, la problématique de l’adoption complique la découverte des repères de sa filiation.

Quant à la mère biologique, les moyens à sa disposition pour garder sa fille sont risibles. C’est un véritable déchirement quand Ai Van réussit à la voir quelques instants le jour de son départ. Après que la nourrice eut déposé son enfant dans les bras de la Québécoise, elle se colle à l’autocar pour lui jeter un dernier regard, qui s’accroche au passage à celui d’une femme heureuse. En bonne Vietnamienne, elle se résigne pour réparer son affront aux ancêtres.

Pour écrire ce court roman, Linda Amyot a choisi la forme du témoignage. Ses héroïnes racontent à tour de rôle les sentiments qui les habitent à l’égard d’une naissance qui enrichira l’une au détriment de l’autre. Même si c’est succinct, l’œuvre n’en est pas moins dense grâce à une écriture épurée, capable de drainer à la fois la culture du Viêt-nam et le cœur de deux femmes présentées dans toute leur authenticité.