Paul-André Proulx

Littérature québécoise

Andrewes, Émilie.

Les Mouches pauvres d'Ésope
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Éd. XYZ, 2004, 98 p.

La Force de l'amour

Depuis quelque temps, de très jeunes auteurs québécois manifestent, dès leur première oeuvre, une maturité surprenante et une originalité peu commune. Mathieu Arsenault, Hélène Bard, Véronique Bessens, Maxime Houde, Émilie Andrewes... font partie d'une relève prometteuse. Cette dernière, avec Les Mouches pauvres d'Ésope, ne fait pas exception. Elle entraîne ses protagonistes dans un labyrinthe dont l'issue débouche sur la mort. Une mort qui résulte d'une passion destructrice, un peu à la manière de Bérénice de Racine. Bérenne est d'ailleurs l'un des personnages presque homonyme du roman de ce jeune auteur de 21 ans.

La toile de fond représente le dîner de deux couples de la vingtaine. Leurs rencontres mensuelles se déroulent dans une atmosphère enjouée qui favorise des situations des plus fantaisistes, comme se retrouver les pieds dans le bol à salade alors que les fourchettes se fichent au plafond et que les verres éclatent en mille miettes. La démesure peut gêner comme celle de Pierre Falardeau au cinéma. Mais contrairement à lui, Émilie Andrewes ne cherche pas à faire une caricature. Elle montre plutôt l'univers des jeunes, caractérisé par l'ardeur qui les pousse vers les projets les plus osés. Mais c'est surtout l'amitié qui leur donne la force de les réaliser, en l'occurrence la libération de l'un d'eux de la prison. Comme les mouches de la fable d'Ésope, mieux vaut mourir les pattes retenues par le miel après avoir eu le plaisir de goûter à ce qui nous tient à cœur.

Ce roman est très dépaysant. On se promène à travers un prisme qui déforme la réalité pour laisser entrevoir tous les possibles qui habitent les protagonistes désireux de fusionner leur vie à celle d'autrui comme dans Ce qu'il en reste de Julie Hivon. Cette générosité déborde sur l'écriture qui tente de traduire le délire des jeunes de la vingtaine.