Paul-André Proulx

Littérature québécoise

Assani-Razaki, Ryad,

1. Deux cercles.
Éd. VLB, 2009, 240 p.

La Discrimination

Le titre de ce recueil de nouvelles ne pouvait être mieux choisi. La race humaine s'enferme dans des cercles qui ne se compénètrent pas. L'auteur souligne avec éloquence cette attitude grégaire. Et ceux qui se montrent ouvert d'esprit agiraient en fonction de leurs intérêts.

" Jouer à l'Africain ", écrit l'auteur, s'explique mal quand l'oppresseur d'hier s'intègre à un continent, qui lutte pour garder ses prérogatives contre l'intelligentsia scolarisée à l'étranger. Les noirs formés ailleurs le constatent quand ils renouent avec leur passé, lessivé d'une tradition qui les disqualifie auprès de leur entourage. C'est ce que laisse entendre une nouvelle qui décrit un retour après dix ans passés en Occident. Les jeux, auxquels on se prête, ne changent rien à la donne de la différence. L'auteur se montre défaitiste à l'égard de toute discrimination. Qu'elle soit ethnique, religieuse, politique ou morale, elle semble une donnée irrémédiable, qui, dans le pire des cas, dégénère en cruauté, voire en conflits mortels.

D'une densité et d'une unité remarquable, le recueil bémolise cependant la dénonciation en empruntant la voie de la neutralité, qui limite la thématique aux réactions psychologiques des personnages soumis à un choc culturel. Si les nouvelles ont le mérite de bien traduire au quotidien le phénomène du rejet, elles auraient bénéficié, par contre, d'un débroussaillage pour que le lecteur saisisse mieux les tenants et les aboutissants des dérogations aux normes d'une société donnée. L'écriture n'amenuise pas la lourdeur du propos avec ses tapis de subordonnées tressées serrées, mais l'auteur réussit à s'imposer grâce à la profondeur d'une pensée que l'expérience parviendra à peaufiner.

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2. La Main d'Iman.

Éd. L'Hexagone, 2011, 325 p.

Les Jeunes Africains

Ce roman polyphonique donne la parole à trois jeunes Africains, dont l'enfance fut plus qu'éprouvante. Alissa et Toumani furent vendus par leurs parents pour servir des maîtres, qui les traitent comme des esclaves. Tant qu'à Iman, il est né d'un Blanc vite disparu après avoir profité d'une femme noire, qui a délaissé son enfant pour survivre. Élevé par une grand'mère musulmane, troublée par la mort de son mari lors de son pèlerinage à La Mecque, il se cherche une voie qui l'exilerait du continent.

Rester ou partir ? C'est le dilemme auquel est confronté ce trio infernal. Partir pour fuir le bidonville de la ville qu'ils habitent. Les conditions de vie stigmatisent particulièrement Iman. Au péril de sa vie, il envisage de quitter son pays parce qu'il ne se sent pas de racines qui le retiennent. Son désir n'est pas partagé par Alissa et Toumani, dont l'amitié pour l'éventuel exilé les pousse à mettre au point des stratagèmes pour l'empêcher de partir. Une amitié qui occupe une place prépondérante dans le roman. Chacun s'examine pour adopter la conduite qui gagnerait le cœur d'Iman.

Ryad Assani-Razaki décrit le chemin qui conduit à l'exil. Son roman, dense, parcourt ad nauseam les dédales du cœur. La toile, qui soutient les interrogations existentielles des personnages, aurait dû s'imprégner de couleurs plus contrastantes pour découper les enjeux sociaux et religieux qui provoquent la fuite.