Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Émond, Bernard.

20h17, rue Darling. Lux Éditeur, 2002, 125 p.

Un alcoolique en quête de rédemption

L'auteur raconte un moment de la vie de Gérard, un alcoolique, à la suite de l'effondrement à 20h17 de son logement dans un immeuble de la rue Darling à Montréal. Il a échappé à la mort grâce à son absence de chez lui. Cet événement l'amène à s'interroger sur les victimes qui sont mortes sous les décombres. Pour satisfaire sa curiosité, il entreprend une enquête personnelle pour reconstituer la vie de ces occupants. C'est un travail qu'il connaît bien, puisque c'est un ancien journaliste affecté aux faits divers pour un grand quotidien.

Ainsi, Gérard remonte la filière de chacun. Cette quête d'informations crée l'intrigue du roman. Parviendra-t-il dans le cadre de ses recherches à trouver sans le vouloir une origine criminelle à cet effondrement, damant ainsi le pion à l'enquêteur chargé de l'affaire? Plein d'indices le laissent croire comme le 1000 $ qu'il reçoit du mari d'une victime qui n'habitait pas l'immeuble. Un peu comme Agatha Christie, l'auteur laisse planer le doute sur tous les survivants et sur les connaissances.

Ce roman cache une dynamique beaucoup moins événementiel. On assiste au combat d'un homme contre son alcoolisme avec l'appui des alcooliques anonymes, les AA. Ce problème n'est pas parallèle au sinistre. Les deux sont intégrés dans un tout qui les transcende. Le héros s'inspire des étapes à suivre par les membres des AA pour mener son enquête. Cette dernière lui donne même l'idée d'écrire l'histoire de ce fait divers " pour tromper son ennui, la mère de tous les vices" et " pour ne pas se tuer ". Ces deux volets menés de front nous amènent au cœur de la solidarité humaine. Le héros est un homme sensible aux injustices humaines, à la disparité des classes sociales. Son monologue sur les riches mesdames d'Outremont est une charge très émotive contre les possédants. Il leur imagine même une association à l'instar des AA pour leur inculquer la notion du partage.

C'est un tableau noir fixé à la réalité montréalaise. Un tableau de contrastes entre les quartiers populaires et ceux des mieux nantis. Il s'en dégage une impression de révolte qui explique le cynisme du héros devant la mort qu'il voit comme la simple fin de la vie. Ce roman douloureux est mené tambour battant par une écriture efficace.