Paul-André Proulx

Littérature québécoise

Lalonde, Robert.

À l'état sauvage. Éd. Boréal, 2015, 168 p.

Deviens un homme

C'est à la lumière des œuvres d'auteurs russes tels que Tchékhov et Tolstoï que Robert Lalonde vient d'écrire peut-être le livre le plus achevé de sa carrière. En se camouflant derrière un alter ego, il traite des relations humaines qui l'ont marqué. Le narrateur, personnage principal du roman, trace le cheminement qu'il a suivi pour devenir un homme comme le propose Rudyard Kipling.

C'est par des rencontres qu'on atteint un tel objectif. Délaissé par sa femme, un écrivain part, un peu comme Jack Kerouac, à la recherche d'autrui. En cours de route, ils croisent des hommes et des enfants significatifs dans sa quête d'équilibre. Ce sont d'anciennes connaissances ou des êtres qui lui rappellent des moments qu'il a déjà vécus. À leur contact et, surtout, à leur écoute, il affermit la position qu'il voudrait être sienne. Être un homme qui grandit harmonieusement dans le giron d'amitiés masculines. Ce mouvement vers l'autre est garant de la paix de l'âme. Il faut de la patience pour apprivoiser ceux que l'on considère comme conditionnels à une démarche salvatrice. Et le salut ne peut être assuré que si l'on s'investit dans la relation souhaitée. Il faut abattre les masques, être généreux, enfin retrouver son " état sauvage ", comme le croit Jean-Jacques Rousseau, pour que finalement naisse une véritable amitié, voire un amour.

Cette quête se marie à une nature luxuriante. Cette dernière incite aux rapprochements comme le fleuve qui épouse les berges en provoquant des mouvements qui transforment tout sur son passage. Encore faut-il avoir l'humilité de se laisser transporter pour connaître des cieux plus propices au partage des sentiments. Il faut être comme une pâte à modeler qui se travaille aisément.

C'est beau, c'est généreux, C'est aussi dans la tendance du Nouvel Âge. Le roman vibre comme une musique de chambre qui invite au recueillement, au silence et qui suscite, finalement, l'embrasement des âmes dans une apothéose des plus lumineuses. L'écriture poétique, voire trop lyrique par moments, soutient des images somptueuses, qui illustrent les feux de l'amour que l'on active habituellement pour une femme. Bref, c'est, au final, une orientation sexuelle qui se précise.