Paul-André Proulx


Littérature Québecoises



Vaillancourt, Isabel.

Angela.
Éd. Québec Amérique, 1999, 205 p.

Les Enfants du gardiennage

Abandonnée à une étrangère peu fiable, Angela espère un jour revivre avec sa mère. Au lieu de vivre aux larmes, elle se confie à sa poupée pour compenser son état d'enfant solitaire livrée à son sort. À travers ses confidences se découvre la tristesse de toute cette marmaille condamnée à être sa propre mère, comme le démontre aussi Nathalie Loignon dans La Corde à danser.

Angela, qui a quatre doigts plus le demi d'un autre, raconte sa vie incongrue à travers des mots propres à son âge. L'auteure a adapté son roman au langage de sa jeune héroïne. Les expressions enfantines, qui ont souvent l'art de nous faire rire, traduisent bien tout ce qu'Angela voit et entend de son entourage, rempli de messieurs qui s'enferment dans la chambre de la gardienne, d'où retentissent des gémissements intrigants. Elle se débat avec les moyens du bord pour survivre tant bien que mal à l'absence maternelle. L'arme la plus efficace dont elle dispose, c'est le silence. S'enfermant dans un placard avec sa mini-poupée, elle se construit un monde à sa mesure, comme le héros du même âge de Claude Daigneault dans L'Enfant qui rêvait d'être un arbre. Comme lui, Angela cherche sa liberté, mais surtout celle de vivre avec celle qu'elle aime, sa Moumou, dont, à mauvais escient, l'auteure tait la destinée.

Même si cette dernière a bien rendu la tragédie des enfants de la solitude que l'on abandonne au gardiennage presque obligé dans la société occidentale, elle présente le tout comme un écheveau de laine ardu à démêler. Il reste qu'elle est, dans notre littérature, la défenderesse de l'enfance malmenée par le monde adulte.