Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Archibald, Samuel.

Arvida. Éd. Le Quartanier, 2011, 315 p.

Un p'tit gars d'Arvida

Les gens d'Arvida sont gens de causerie, qui parlent pour parler, dirait Gilles Vigneault. Il faut les écouter. C'est parfois vérité, c'est parfois mensonge, mais la plupart du temps, c'est le bonheur qu'ils tentent de saisir à travers la misère emmaillée au plaisir d'en parler à l'aise à l'ombre de l'Alcoa, une fonderie érigée au milieu de nulle part. La ville n'a pas emprunté son nom aux Amérindiens. Ses trois syllabes sont tirées des premières du nom du fondateur américain Arthur Vining Davis. Construite en 135 jours en 1925, la capitale de l'aluminium a réuni les employés et tous les ouvriers spécialisés venus des quatre coins de notre ronde planète pour y gagner leur vie et se donner un pays à dire.

Sourires entendus et larmes ravalées, Samuel Archibald raconte " l'antan " de sa ville natale avant qu'elle ne s'évanouisse dans la nuit de ses souvenirs, à l'instar de Fred Pellerin, qui a ajouté son village de Saint-Élie-de-Caxton à l'itinéraire des autocars touristiques. Les deux auteurs sont redevables à leur grand-mère maternelle pour la restauration du fier blason de leur lieu de naissance.

De la bouche de la sienne, le jeune Samuel apprend que son père était et est toujours un fieffé menteur. C'est un conteur qui allie " menterie " et vérité. Victor Hugo aurait écrit qu'il se consacre à rapporter les faits d'une " Histoire écoutée aux portes de la légende ". Fier rejeton de son géniteur, le fils a suivi ses traces après avoir découvert son don pour l'écriture avec la vieille Underwood de son aïeule.

Comme Proust avec sa madeleine, Archibald a exercé sa mémoire sans pudeur et sans prétention devant un mac-croquette, peut-on imaginer. " À la recherche du temps perdu " il a essayé de raviver sa ville, annexée après son déclin à Ville-Saguenay. Légende, événement glorieux, crainte des animaux, partie de pêche, amour déçu, maison hantée, déficience mentale, abus d'alcool et des corps, histoire familiale, la vie en Amérique, chaque élément est soulevé par un narrateur trop difficilement repérable parmi les personnages.

On présente l'œuvre comme un recueil de nouvelles. Pas du tout. C'est un roman, voire une autofiction. Comme on est l'homme de son enfance, Samuel Archibald tient aux repères qui ont présidé à son " formatage " dans le milieu clos d'une ville conceptualisée pour la fabrication de l'aluminium. Sans être iconoclaste, il a cependant transgressé le concept pour vivre au rythme du monde comme professeur et romancier.

Son œuvre revêt parfois des oripeaux fantastiques venus d'ailleurs. Elle s'éloigne ainsi quelque peu du sujet, traité dans une langue affaiblie par les réformes scolaires. Les jeunes auteurs ne manipulent pas aisément les mots de liaison comme les conjonctions ou les pronoms relatifs. Il reste que c'est exemplaire comme autofiction. L'auteur a fui le nombrilisme pour laisser place aux gens, aux événements et aux légendes qui ont concouru à sa genèse.