Paul-André Proulx

Littérature Québecoises



Péan, Stanley.

Autochtones la nuit. Éd. La Courte Échelle, 2007, 228 p.

De l'abus sexuel à la sexualité estudiantine

De nombreux écrivains sont touchés par le monde pernicieux que nos cadets doivent affronter. Que ce soient Carole David (Histoires saintes) ou Alain-Ulysse Tremblay (La Valse des bâtards), nous devinons dans leurs œuvres qu'ils nous incitent à jeter un œil plus emphatique sur les déjantés. Stanley Péan s'inscrit dans leur créneau avec Autochtones de la nuit. Il se penche sur le sort infâme réservé aux jeunes, en plus de questionner la sexualité des étudiants, plus désireux de jouir du " sillon " de leur partenaire que d'établir des relations valorisantes. Le monde vu par la lorgnette de l'auteur apparaît des plus sombre avec ces nombreux prédateurs de l'âme. Son tableau des victimes de la dérive ou de la lâcheté illustre les préoccupations de Dan Bigras, qui organise chaque année un spectacle pour leur venir en aide.

Intention louable que d'éveiller les consciences au mal, insidieux parfois, qui trame notre quotidien! Le propos de l'auteur ne se loge pas à l'enseigne de la morale. D'une facture simple, ses nouvelles se limitent à nous raconter des gestes significatifs qui nourrissent souvent les faits divers des médias. Fidèles aux normes du genre, elles s'enclenchent autour de péripéties qui se projettent dans un dénouement mortel. Cette dénonciation d'une société plus ou moins dépravée est susceptible de recevoir notre aval. Mais au plan littéraire, il faut noter les carences qui peuvent nous agacer. Les nouvelles conduisent presque invariablement à la mort. Après la lecture de quelques-unes, nous savons d'emblée que la fin se solde par un meurtre ou un suicide. C'est en fait l'application lassante d'un modèle à un sujet qui commence à s'user. L'analyse psychologique n'est pas plus heureuse. Seule l'inconstance expliquerait la sexualité débridée des étudiants qui aiment bien fumer des " clopes ". Seraient-ce des immigrants français? C'est un portrait assez minimal. Et les déjantés, peu crédibles, ne se " chrissent " pas de ce qui leur arrive, mais ils " se calicent " de la vie. Tant qu'à faire " trash ", il aurait fallu exploiter davantage le filon. Du côté de l'écriture, nous frappons un mur de lourdeurs. " Ainsi, découvrait-il avec un malin plaisir, il y avait une euphorie du mal, plus veloutée, plus délectable que celle de la vertu et sûrement moins doucereuse, comparable seulement à celle induite par le plus fin des armagnacs. " (P. 57) Quand la plume s'affine, ce sont les clichés ou le snobisme qui s'affichent : " Il fallait que jeunesse se passe absolument pareille à l'eau de la Grande Décharge sous le pont de l'Isle Maligne. "
Bref, ce recueil de nouvelles ne reflète aucunement une personnalité, pas plus qu'il ne frappe par son originalité.