Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Prenoveau, Serge

Autopsie d'un tireur fou. Éd. Fides, 2010, 200 p. ISBN 9782762130287

Ce qui engendre le tireur fou.

Le mal de mère est un feu incandescent. Ça brûle moralement la victime, qui comble ses manques affectifs par une haine porteuse de pathologies congrues au tireur fou. Dans ce contexte, l’acte meurtrier est inconsciemment une commande d’attention pour abattre le mur frustrant de l’indifférence.

En lisant le journal, le narrateur Simon Cormier, né dans le quartier St-Vincent-de-Paul à Laval, soupçonne les raisons qui ont provoqué la tuerie commise par un halluciné dans un centre commercial de l’Ouest états-unien. Inspiré par cette tragédie, il raconte comment son éducation aurait pu le pousser à poser un tel geste. Sous un titre propre au polar, ce roman psychologique dissèque les causes afférentes à la provocation d’un fatum tragique. En l’occurrence, le héros, victime de la poliomyélite à un an, fut hospitalisé pendant six mois alors que sa mère ne l’a visité que deux ou trois fois. Il lui en a tellement voulu malgré son âge qu’il a développé une répulsion à son égard qu’il faut additionner au facteur d’isolation causée par l’infirmité conséquente à sa maladie. En absence de socialisation, tous ses rapports humains ont été paralysés au point de l’emmurer dans une garçonnière de Montréal, où il travaille comme technicien affecté aux autopsies. Pour un misanthrope paranoïaque, l’emploi est tout à fait désigné, mais il n’en n’alimente pas moins des brandons capables d’enflammer sa raison. À 52 ans, sa mémoire ne s’est pas délestée des carences de sa mère qu’il s’explique sans que sa lucidité n’affecte son attitude.

Comme Xavier Dolan avec le film J’ai voulu tuer ma mère ou Marie-Claire Blais avec La Belle Bête, Serge Prenoveau circonscrit le contexte susceptible de causer la mort de celles qui ont soi-disant mal aimé leur enfant. C’est à travers une narration au je que le héros évoque sa relation avec une mère dépourvue d’instinct maternel. Il en résulte plutôt un témoignage touchant par son sentimentalisme, que traduit une écriture bien ciselée à prime abord, mais qui s’essouffle après quelques pages. Le récit s’alourdit rapidement d’autant plus qu’il tourne souvent en rond autour des relations avortées que le héros tente d’entretenir avec des femmes sur lesquelles il fantasme parce qu’elles lui ont souri. Les scènes d’alcôve ne sont pas suffisantes pour sauvegarder l’intérêt que l’on pourrait accorder à cette œuvre que l’éditeur a mal supervisée. Bertrand Gervais a tracé un meilleur profil psychologique du tireur fou dans Les Failles de l’Amérique.