Paul-André Proulx

Littérature Québecoise

To, My Lan.

Cahier d'été. Éd. Triptyque, 2000, 91 p.

Les Désarrois d'un adolescent

Avoir quinze ans, c'est comme souffrir d'une maladie incurable. Regardez les adolescents en compagnie de leurs parents : leurs visages portent les stigmates d'une mort imminente. Ils sont grincheux, ils ne parlent que par monosyllabes. Les " ouais " déprimants accompagnent leurs réponses les plus positives. Et les " ch'sais pas " leur servent de non. Allez savoir ce qu'ils veulent. Eux-mêmes se le demandent. Ce qui les occupe, c'est le look. Les garçons portent un jeans avec la fourche aux genoux et chaussent des baskets délacés, qui leur donnent une démarche dégingandée. Les filles marchent comme des robots sur des échasses pour accentuer la mode du raccourci. Et les deux sexes sont branchés sur les vedettes de la chanson pour s'enivrer de leurs messages suspects.

Que cache-t-on derrière l'image? My Lan To, une jeune Québécoise d'origine chinoise, répond à cette question dans Un cahier d'été. C'est bien la pire saison pour les adolescents qui perdent, le temps des vacances, le cercle des amis qui les valorisent. Donc, Gabriel, le jeune héros, sent que sa vie au chalet de ses parents va " être phase terminale ou, plus simplement, état stationnaire ou, encore plus simplement, rien du tout. " Pour compenser les malheurs de son " hospitalisation " au bord d'un lac, il tente de réaliser un rêve caressé depuis longtemps : écrire. Autour de trois personnages, il construit une histoire qui l'aidera à mieux se comprendre. D'abord, il tente d'exorciser la mort en imaginant la noyade d'une jeune fille. Angoissé aussi par son identité sexuelle, il invente le personnage d'Hervé qu'il rattache à l'homosexualité. Ainsi l'acte d'écrire devient pour lui la réponse à ses confusions. Souvent, sans pouvoir le formuler, les adolescents vivent des malaises non identifiables, mais Gabriel parviendra à cerner les siens grâce à l'histoire qu'il confie à un cahier, fidèle compagnon de son été.

L'écriture est une thérapie bien connue pour parvenir à une certaine sérénité, comme l'a démontré Ann Frank. Le roman de My Lan To n'a rien d'une complainte juvénile qui accuse tous les adultes d'incompréhension. Le héros cherche honnêtement la source de son malaise existentiel. Après la lecture de cette œuvre, on comprendra davantage ce qui se trame derrière la " face de bœuf " ou les fanfaronnades des adolescents.

C'est un beau roman. Cependant l'écriture soignée ne parvient pas à combler le manque de vivacité qui le dépare. On sent les carences de l'inexpérience de cette auteure qui a presque l'âge de son héros. Mais elle réussit quand même à traduire les maux de l'âme de l'adolescent comme Robert Musil l'avait fait, en beaucoup mieux, de l'élève Törless ou encore Élise Turcotte dans L'Île de la Merci.