Croft,
Esther.
De
belles
paroles.
Éd.
XYZ,
2002,
168
p.
Victime
des
beaux
parleurs
"
Paroles,
paroles,
"
chantait
Dalida.
Esther
Croft
a
transposé
cette
chanson
en
roman,
pour
lequel
elle
a
mérité
le
prix
France-Québec
2003.
C'est
un
défi
d'aborder
le
thème
de
la
parole
sous
forme
romanesque.
A
priori,
il
semble
que
la
poésie
s'y
prête
davantage.
Pourtant
l'auteure
a
su
inventer
des
Orphées
assez
convaincants
pour
charmer
la
bête
sauvage
qui
taraudait
le
cœur
d'une
femme
enseignant
à
des
élèves
en
difficultés
d'apprentissage.
Cette
dernière
a
toujours
souffert
de
son
inaptitude
à
traduire
ses
sentiments
en
paroles.
Quand,
dans
une
famille,
on
n'appelle
pas
un
chat
par
son
nom,
il
n'est
pas
surprenant
de
voir
surgir
une
telle
déficience
à
l'âge
adulte.
Menant
une
vie
sous
la
consigne
du
"
motus
et
bouche
cousue
",
elle
ne
peut
se
servir
du
langage
comme
exutoire
à
ses
oppressions.
Comme
elle
en
est
très
consciente,
elle
espère
libérer
le
verbe
de
sa
prison.
Pour
y
arriver,
elle
cherche
l'homme
qui
la
ferait
naître
à
elle-même.
Celui
qui
connaîtrait
les
mots
libérateurs,
ceux
que
l'on
veut
entendre
pour
sortir
de
sa
cache.
Le
premier
volet
de
ce
diptyque
est
consacré
aux
ensorceleurs
qui
savent
faire
danser
le
serpent
aux
sons
de
leur
flûte.
Elle
marie
un
journaliste,
un
habile
communicateur,
qui
sait
choisir
le
mot
approprié
pour
cicatriser
ses
blessures.
Elle
le
considère
comme
le
médecin
de
son
âme,
en
qui
elle
a
une
confiance
aveugle.
À
la
mort
de
son
mari,
elle
apprend
à
ses
dépens
qu'elle
fut
le
jouet
de
ses
belles
paroles
comme
elle
le
sera
du
nouvel
homme
de
sa
vie
trois
ans
plus
tard.
En
somme,
les
sauveurs
cherchent
davantage
leur
intérêt
que
le
salut
d'autrui.
Dans
le
second
volet
du
diptyque,
l'héroïne
quitte
son
village
pour
se
refaire
une
virginité.
Elle
décroche
un
emploi
auprès
des
aphasiques.
Grâce
à
ses
connaissances
de
l'art
théâtral,
elle
parvient
à
leur
donner
des
instruments
efficaces
pour
recouvrer
la
parole.
Ce
travail
établit
un
pont
entre
son
passé
oppresseur
et
son
avenir
maintenant
prometteur.
Paradoxalement,
c'est
au
sein
de
gens
démunis
comme
elle
que
la
rédemption
se
manifeste.
Comme
le
dit
l'héroïne,
"
il
y
a
des
gens
qui,
rien
qu'à
nous
regarder,
rien
qu'à
nous
sourire,
même
au
fond
de
leur
fragilité,
parviennent
à
nous
offrir
quelque
chose
de
précieux.
Il
y
en
a
d'autres
qui,
même
les
bras
chargés,
la
bouche
exubérante
et
l'œil
éblouissant,
réussissent
à
nous
déposséder.
En
ayant
l'air,
pourtant,
de
nous
avoir
comblés.
Pourquoi
est-ce
si
souvent
ceux-là
qui
nous
séduisent?
Avons-nous
à
ce
pont
besoin
d'être
trompés
pour
réussir
à
vivre?
"
C'est
un
roman
très
bien
ficelé.
Même
si
le
sujet
se
prêtait
à
un
traitement
"
intello
",
l'auteure
a
su
éviter
ce
couloir
de
chapelle
pour
présenter
une
femme
en
proie
à
un
réel
problème
de
communication.
Et
sa
plume
parfois
incantatoire
pare
son
oeuvre
d'une
aura
très
poétique.
Bref,
Esther
Croft
dénonce
les
beaux
parleurs
comme
La
Fontaine
dans
Le
Corbeau
et
le
Renard.
|