Paul-André Proulx

Littérature Québecoise

Messier, Judith.

Dernier Souffle à Boston.
Éd. La Courte Échelle, 1996, 237 p.

Montréalaise en vacances aux États-Unis

De Portland à Boston, toutes les stations balnéaires sont envahies par de nombreux Québécois. Notre littérature n'est pas insensible à ces vacanciers qui profitent des plages sablonneuses de la côte Est américaine. Jean-Guy Noël a emmené La Famille Grenouille à Old Orchard, et Suzanne Jacob a choisi Wells pour que des jeunes fassent le deuil de leurs parents. Quant à Judith Messier, elle a envoyé des amis de Montréal à Kennenbunk, où George Bush père possède une maison dominant l'Atlantique.

Rendue à destination, Adélie Chatel, l'héroïne, a décidé curieusement de faire bande à part pour savourer ses vacances. Logée à l'hôtel Ripplehill, cette institutrice s'ennuie au point d'échanger avec tous les hommes en manque de sexe. Pour combler son désœuvrement, elle décrit, dans des cahiers d'écoliers, ses rencontres avec différents types d'hommes comme le fat, le riche et le phallocrate. Cet exercice d'écriture ne permet pas de saisir sa personnalité. Elle apparaît simplement comme une femme naïve qui cherche à fuir sa solitude..

Par contre, le héros masculin, un policier de Boston, a été investi de tous les attributs qui le distinguent. En vacances obligées, il en profite pour mener une enquête personnelle qui éclairerait la mort suspecte d'Adélie dans un immeuble désaffecté de Boston, où elle avait décidé de prolonger ses vacances. Un peu familier avec la langue de Molière, il déchiffre, à l'aide d'un dictionnaire, les carnets de vacances de la Montréalaise, trouvés sur les lieux du crime. Cette lecture, qui provoque chez lui des érections royales, lui indique le sentier à suivre pour parvenir à l'assassin.

Le plus intéressant de ce polar, c'est la structure qui englobe la vie privée du flic Harry Ostling dans le dénouement. L'auteur raconte en fait le drame de ce policier qui est mêlé à celui d'Adélie. Mais le genre de nœud qu'elle va pratiquer pour boucler son intrigue ne surprend guère. Le roman aurait été meilleur si l'on avait éliminé les personnages qui n'apportent aucune dimension aux héros. Cela sans compter le manque de crédibilité de certains comportements.

Derrière cette histoire d'assassinat se profile le sort réservé aux femmes. En Amérique, elles ne sont pas tenues de se voiler, mais elles sont facilement victimes de l'amour. Si la thèse peut porter fruit, c'est grâce à la maîtrise de la technique d'écriture. Ce roman à deux voix laisse tour à tour la parole aux deux héros, victimes du même déjanté.