Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Soderstrom, Mary.

Dr Robert Nelson, le médecin rebelle. Éd. L'Hexagone, 1999, 348 p.

Un patriote anglophone

D'origine écossaise, mais née aux États-Unis, Mary Soderstrom s'est installée à Montréal en 1968. Elle a fait publier en 1999 une biographie romancée de la vie du Dr Robert Nelson, un patriote anglophone né en 1794 à William-Henry, aujourd'hui la ville de Sorel. Fils d'un instituteur d'origine britannique, il est devenu médecin. Alors qu'on en était encore à la saignée, il a mis au point une technique pour retirer à froid les pierres au rein (lithotomie), en plus d'écrire un ouvrage sur le choléra après l'épidémie qui ravagea la population en 1832. Il se consacra donc avec passion à sa profession tout en travaillant à la souveraineté du Canada.

Lors de la rébellion de 1838, on croit que seuls les francophones voulaient se libérer du joug de la couronne britannique. Mary Soderstrom met la pendule à l'heure. En fait, les colons anglais et français ont uni leurs forces afin d'obtenir l'indépendance de leur pays à l'instar des États-Uniens en 1802. C'est d'ailleurs Wolfred Nelson, le frère de Robert, qui est le maître d'œuvre de l'unique victoire des patriotes à Saint-Denis. Les déboires ultérieurs ont conduit les durs et purs aux États-Unis pour échapper à la pendaison ou à la déportation. En exil à Plattsburg, le médecin rebelle les a rassemblés pour porter l'attaque ultime qui chasserait les colonisateurs. Dans le cadre de notre souveraineté, il avait prévu inclure à part entière les gens de toutes les origines, qu'elles soient françaises, anglaises ou autochtones, en plus d'opter pour le vote secret et la participation des femmes à la vie politique. Aujourd'hui, le Québec revendique encore l'indépendance, mais le motif qu'il invoque est plutôt d'ordre linguistique : protéger la culture française en Amérique. Ce détournement des intentions qui ont présidé aux premières manifestations d'affirmation de soi nous fait oublier que des patriotes anglais ont également défendu l'idée de la souveraineté. Après sa défaite, Robert Nelson s'installa définitivement aux États-Unis, où il mourut en 1873.

À l'exception de sa carrière médicale, sa vie fut marquée par l'insuccès. Même son mariage fut un échec. Marié à une veuve anglaise qui ne s'est jamais acclimatée à la vie nord-américaine et à la politique, il se retrouva seul, loin de sa famille, contrairement à Papineau qui revint au pays avec sa femme. Il faut dire que les deux hommes n'étaient pas branchés sur la même longueur d'onde. Autant l'un désirait l'indépendance par la belligérance que l'autre prônait sa réalisation par la voie parlementaire. En fait, Papineau souhaitait un nouveau pays administré avec les règles en vigueur dans la colonie. Seigneur de la Petite Nation, vivant à Montebello, il ne souhaitait pas perdre ses privilèges au profit d'une république telle que soutenue par Nelson.

Ce roman est d'une richesse exceptionnelle au niveau historique. Mary Soderstrom a effectué un travail de moniale. Écrit avec neutralité, son ouvrage nous fait voir la rébellion ratée de 1838 sous un nouveau jour. Cependant il faut dire que l'auteure ne maîtrise pas parfaitement l'art romanesque même s'il arrive parfois qu'elle réussisse à illustrer de manière vivante les pratiques médicales du X1Xe siècle. Son roman n'imbrique pas ces deux parties distinctes. Le contenu historique divisé en chapitres alterne avec la fiction introduite sous le nom de " fenêtre ". C'est un procédé assez lourd que l'écriture ne parvient pas à alléger. Mais il reste que c'est une œuvre à recommander, d'autant plus que Robert Nelson est un personnage historique que nous retrouvons aussi en littérature, comme dans Kamouraska d'Anne Hébert.