Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Bergeron, Anne.

Isla Nema. Éd. Lanctôt, 1999, 234 p.

Une archéologue québécoise à l'île de Vieques

L'île de Vieques est située tout près de Porto Rico. C'est un territoire minuscule, baptisé Isla Nena, l'île Naine, dont les deux tiers de l'espace sont occupés par l'armée américaine pour s'entraîner. C'est le milieu qui sert de toile de fond au polar d'Anne Bergeron. Françoise est son héroïne, une archéologue québécoise intéressée aux artéfacts ayant appartenu aux Ignéris, une tribu indienne ayant vécu sur l'île il y plus de deux mille ans. Cette découverte ferait remonter la migration en terre d'Amérique à une période antérieure à celle habituellement admise.
Pourvue d'un permis de fouilles, fort coûteux depuis ce nouvel intérêt des archéologues pour la recherche des origines amérindiennes, Françoise découvre par hasard une caissette enfouie dans le sable d'une plage bordant la mer des Caraïbes. En l'ouvrant, elle constate qu'elle renferme le produit qui fait la richesse des narcotrafiquants. Cet élément déclencheur est à l'origine de toutes ses tracasseries. Les propriétaires de la précieuse substance veulent recouvrer leur cargaison tandis que l'héroïne préfère troquer la poudre auprès des autorités locales, en échange d'un pécule pour acquitter ses frais de séjour. S'entame alors une série d'aventures menaçantes pour la vie de cette Québécoise fort peu effarouchée par la situation.

À cet élément policier s'ajoutent de nombreux renseignements sociologiques qui établissent le contexte dans lequel Françoise doit évoluer. Les retraités fortunés réquisitionnent la côte pour le mouillage de leurs luxueux yachts, les sectes s'y donnent rendez-vous pour s'adonner à leurs exercices soi-disant spirituels, les autochtones hispanophones clament à grands cris le départ des soldats américains, dont la présence engendre des problèmes d'ordre linguistique comme au Québec. Son voisin, un soi-disant ornithologue, représente le pilier sur lequel elle peut s'appuyer. Leurs rapports dépassent le bon voisinage. Ce volet libidineux crée un équilibre entre l'esprit scientifique de l'héroïne et son cœur, capable d'exploser sous l'effet d'atomes crochus.

Loin d'être un chef-d'œuvre, ce polar est bien ficelé et écrit avec aisance. Il nous instruit avec efficacité sur une population insulaire inconnue, comme l'a fait Arlette Cousture avec Tout là-bas à propos de la communauté d'Harrington Harbour perdue aux confins du Québec.