Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Girard, Jean-Pierre.

J'espère que tout sera bleu. Éd. Québec Amérique, 2003, 132 p.

Pour un monde meilleur

Certains jeunes écrivains maîtrisent parfaitement les mécanismes de la langue et s'en servent parfois à mauvais escient pour séduire le lecteur. Leur écriture annonce une perestroïka littéraire qui sent plutôt l'esbroufe. Ces " performers " agissent comme des étudiants en quête de distinction auprès de leurs professeurs.

Jean-Pierre Girard fait partie de ces auteurs éblouissants. Ses audaces sont intéressantes. Par contre, on peut s'interroger sur la pertinence de certaines techniques comme celle de déplacer l'ordre syntaxique dans l'exemple suivant : " Il me semble encore, ses doigts contre mes omoplates, sentir. " Briser le rythme d'une phrase semble un moyen bien faible de renouveler l'art d'écrire. Quand on exploite les possibilités grammaticales, on s'adonne davantage à un exercice scolaire qu'à une production littéraire. Cependant il faut dire que de la veine suivie par l'auteur surgissent souvent des passages fadés.

La plus grande richesse de l'œuvre repose sur l'acuité de l'analyse des maux de l'âme. Les nouvelles percent en profondeur les héros perdus à cause des mirages du désert. Chacun tente de recouvrer sa route en libérant la parole qui l'éloigne d'autrui. Une infirmière avoue l'amour qu'elle porte à son mari agonisant, deux frères reconnaissent leur amitié réciproque, le vieillard voit en une fillette l'avenir du monde. Comme Yann Martel, Jean-Pierre Girard pose des balises inspirées de son éducation judéo-chrétienne pour protéger la société " de l'amour vu comme une bouée, du retour du tragique comme une solution, de l'absence de repères spirituels [...] et d'un esprit réactionnaire bon teint qui ravit les dirigeants de ce monde. "

En somme, chaque nouvelle laisse espérer un ciel plus bleu malgré un monde à désespérer de Dieu. Parfois, le message, teinté de moralisme, est véhiculé à travers une parabole très hermétique; parfois, il coule d'une expérience douloureuse, mais toujours dans une langue belle que l'on souhaiterait moins flamboyante.