Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Barbeau-Lavalette, Anaïs.

Je voudrais qu’on m’efface. Éd. Hurtubise, 2010, 174 p.

Les Enfants du quartier Hochelaga de Montréal

La tristesse du regard des enfants de la détresse est un métalangage qu’interprète Anaïs Barbeau-Lavalette avec les mots bafoués d’une vie « ben mal emmanchée» comme a écrit le poète Jean Narrache (Émile Coderre). Les deux auteurs se sont penchés sur le sort des enfants, en l’occurrence ceux du quartier Hochelaga.

Sans les juger et sans chercher à susciter la pitié, Anaïs Barbeau-Lavalette décrit tout simplement le quotidien d’enfants, qui fréquentent une « classe d’orthos » composée d’élèves qui ont soi-disant des troubles d’apprentissage. Des TA qui cherchent l’ivresse de vivre malgré la rudesse de leur existence. Ce ne sont pas les enfants rois des familles de l’aisance, ce sont ceux de la résilience. En fait, ils sont presque les parents de leurs parents. Ils portent sur leurs frêles épaules des responsabilités d’adultes. Des adultes dont le seul expédient pour s’en sortir reste la prostitution.

La situation creuse une distance entre les génitrices et leur progéniture. C’est d’autant plus dur lorsque, chaque jour pour aller à l’école, il faut franchir la barrière qu’elles érigent dans la rue Ontario afin de relever le client potentiel. Ce ne sont pas des mères dénaturées. Elles ont épuisé leurs ressources de survie. Pourtant, elles aimeraient bien être à la maison pour cuisiner le fameux pâté chinois pour leurs enfants qu’un rien met en liesse, Malheureusement ils essuient souvent leurs traitres promesses, telle Roxanne, qui a invité ses parents à l’école pour l’entendre jouer du violon. Ils n’ont pas répondu à son invitation. Sur le chemin du retour à la maison, elle s’est arrêtée dans la neige pour jouer dans la rue alors que sa mère l’a vue par la fenêtre.

Ces enfants mènent des vies tristes à mourir. C’est d’ailleurs la mort dans l’âme que se termine ce beau roman. Empathique et déchirant, il traduit une urbanité avec des mots empruntés à la rue sans empêcher la poésie de surgir en rythme syncopé comme un rap. La narration souffre cependant de l’empressement de dire l’urgence de soutenir les enfants abandonnés qui n’osent se plaindre. L’œuvre se rapproche ainsi plus du scénario que du roman. Il reste que c’est un bel hymne à l’enfance.