Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Charette, Nicolas.

Jour de chance. Éd. du Boréal, 2009, 224 p.

L'Humanité souffrante

Nicolas Charette se lie à l’homme des tavernes, qui se soulage avec un bon rot s’il ne vomit pas ou un bon pet puant qu’il aime renifler. Ce recueil de nouvelles s’enracine dans un univers glauque, où évoluent des paumés en tout genre : alcoolo, joueur compulsif, fumeux de pot… Bref, tous recourent à des béquilles pour se consoler des malheurs afférant à notre « vallée de larmes », telle que le psaume 84 définit la planète bleue.

Comme Normand de Bellefeuille dans Votre appel est important, l’auteur ajoute sa voix au discours déprimant de la Bible en retournant la terre avec une bêche pour laisser voir les vers qui nous rongent. Nous ne sommes que « poussières ». Il faudrait vraiment un « jour de chance » pour que nous nous dénichions un « objet de guérison », comme le conseille le titre du recueil de nouvelles de Jacques Lazure. Tout de même, il existe des petites voix, parmi les plus humbles, pour expliciter le sens du chemin de la croix, telle celle de la cliente d’un dépanneur, pétrie par la transcendance qui la rend heureuse de se retrouver grand’mère.

Le titre de l’œuvre tombe à point nommé. Tous les personnages sont en quête de cette chance qui les aiguillera sur les rails du bonheur. Malheureusement, la thématique de la souffrance morale est traitée avec peu de perspective. Ce sont les détails visuels qui comblent les lacunes d’un approfondissement qu’il aurait fallu intégrer à un univers plus large. Même si les suspenses sont bien amorcés, les dénouements les laissent tomber à plat. L’écriture estudiantine ne parvient pas à camoufler les faiblesses d’une œuvre qu’il faut lire en commençant par la fin. Les dernières nouvelles, plus achevées, véhiculent une émotion, absente des premières.

Bref, à l’instar des œuvres de la Beat Generation, ce premier envol suit, avec complaisance, la trajectoire de notre vulnérabilité, sans pour autant présager d’un bel avenir littéraire à l’auteur, contrairement à L’Art de la fugue de Guillaume Corbeil, un recueil de nouvelles traitant du même thème de manière plus lumineuse en dépit du maniérisme qui l’affecte.