Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

O'Neill, Heather.

La Ballade de Baby . Éd. 10-18, 2008, 378 p.

Droguée et prostituée à 12 ans

La Ballade de Baby est un titre fort ambigu. Il ne fait pas allusion aux promenades (balade) imposées par les nombreux déménagements d'un homme qui vit seul avec sa fille de 12 ans. Il s'agit plutôt de la complainte (ballade) de l'héroïne, dont le père de 27 ans est encore accroché à son adolescence.

Venu de la campagne, il s'installe au centre-ville de Montréal après la mort de sa femme, survenue un an après la naissance de Baby, prénom qu'elle a hérité de ses parents alors âgés de 15 ans. Tous ses malheurs commencent avec cette tragédie, qui a transformé le père en junkie afin de s'aider à assumer son deuil. Vivant de rapines, il vend le butin volé dans des marchés aux puces pour se procurer de la drogue et payer le loyer quand il y parvient.

Cette occupation illicite l'amène à délaisser sa fille. Baby n'a d'autre choix que de se tourner vers la rue pour combler ses besoins. Il lui est difficile d'y parvenir à cause de sa tenue vestimentaire, qui fait fuir ses pairs. Habillée comme un olibrius à cause de la pauvreté, elle parcourt son quartier, le plus mal famé de la ville, jadis appelé le Red Light à cause des nombreux lupanars que l'on identifiait par leur ampoule rouge à la porte. Ses conditions de vie attirent le travailleur social, mais aussi le prédateur qui veut se faire vivre en obligeant sa protégée à se prostituer. Dans un premier temps, c'est la famille d'accueil qui l'attend avant de connaître l'horreur d'un centre de la DPJ (direction pour la protection de la jeunesse). De retour avec son père, c'est un proxénète qui l'attrape dans ses filets. Que fera-t-elle pour ne pas s'enliser dans ces ornières ? Heureusement, tout concourt à son sauvetage. Les dérives ont préservé par miracle son âme d'enfant. Un rien l'émerveille et la rend heureuse : un toutou, une marque d'affection. Elle a même gardé une infinie confiance envers les adultes, même les tarés comme son père qu'elle ne renie pas. D'après tout, c'est le seul qu'elle a et qui souffre autant qu'elle de leurs situations. Pourtant elle aurait mille et une raisons de le haïr, mais, sous la carapace, elle sent que son salut dépend de l'amour qu'il lui porte.

Comme pour Christiane F., une Berlinoise du même âge que Baby, la drogue et la prostitution servent de béquilles aux adolescentes qui sont victimes des carences parentales. La thématique est traitée avec un réalisme à faire dresser les cheveux et exempte du sensationnalisme qu'elle peut susciter. Si le lecteur est déjà familier avec le parcours sexuel des jeunes péripatéticiennes, cette œuvre lucide et triste ne parviendra à l'intéresser qu'au cours de son dernier tiers. Le plus gros bémol vient de la traduction. Montréal n'est qu'un vain mot. Le traducteur décrit plutôt une cité parisienne où ça caille (il fait froid).