Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Caccia, Fluvio.

La Frontière tatouée . Éd. Triptyque, 2008, 207 p.

L'Univers des tagueurs

L'auteur présente un dé à sept faces. La septième, c'est l'impalpable, la personnalité cachée, un body-painting qui camoufle ses doutes derrière des pictogrammes censés, prétendument, le révéler.

À travers une activité ludique regroupant des tagueurs rivaux, Fulvio Caccia aborde la thématique des rôles que l'on tient dans la société. Ces graffiteurs organisent donc un grand jeu, à l'instar des soirées meurtre et mystère, qui leur vaudra le septième ciel. La suprématie de leur clan. Une espèce de guerre de gangs de rue virtuelle qui s'actualise, non sans rappeler les émeutes de la banlieue parisienne, circonscrite à l'intérieure de la frontière tatouée à l'effigie de ses habitants, des sans-nom prêts à incendier la voiture d'innocents, voire même à tuer pour s'imposer. Le héros, David Kilroy, appartient à l'un de ces groupes secrets, qui couvrent les murs de tags. Le meurtre d'un membre de sa bande, les HMJ, déclenche une poursuite infernale de l'assassin, entreprise, pour des motifs différents, par David, son père Patrick et le policier Merle.

Fulvio Caccia fait bien ressortir cette violence de nos sociétés. Violence qui doit être combattue, mais surtout reconnue comme étant le fruit de ce que nous sommes. La culpabilité est le premier maillon de l'assainissement des relations humaines, comme le manifeste le père qui se sent coupable d'avoir délaissé son fils au profit de sa carrière de peintre. Pour renouer avec lui, il s'intéresse à son talent de tagueur, mais, surtout, il veut contribuer à la recherche de l'assassin de l'ami de David pour se faire pardonner ses lâchetés.

Rien n'arrive fortuitement dans la vie. Un tourbillon entraîne les individus dans une spirale de violence, qui revient toujours à la case départ si l'on n'en brise pas la forme enroulée. De façon récurrente dans ses œuvres, l'auteur continue de méditer sur les manifestations qui profitent aux vendeurs de cercueils et d'urnes funéraires. Bref, ce roman brillant et original exploite l'art des graffitis pour illustrer la société post-moderne.