Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Billy, Hélène de.

Le Portrait d'André Mathieu.
Éd. La Presse, 2007, 247 p.

Le Mozart québécois

Enfant prodige que l'on a comparé à Mozart, André Mathieu a connu dans les années 1930 une grande renommée autant à New York qu'à Paris. À dix ans déjà, il avait à son crédit de nombreuses compositions, qui ont fait dire à un musicologue réputée que ce jeune Montréalais avait produit des œuvres d'une maturité que son homologue autrichien n'avait pas encore atteint au même âge. Malheureusement, il est tombé très tôt en disgrâce au point que ses compatriotes mêmes l'ont renié en refusant d'interpréter ses œuvres.

Lors de l'Exposition universelle de 1967, qui s'est même tenue l'année du centenaire de la fédération canadienne, l'OSM s'est objecté à ce que l'on inscrive au programme son Concerto de Québec pour célébrer cet anniversaire. Associé aux compositeurs de l'ère romantique, il a été la cible des chroniqueurs musicaux, qui voyaient en lui un Richard Abel pour dentellières. Cette perception se répandit d'autant plus vite qu'André Mathieu ne dédaignait pas de composer des tangos ou de participer à des pianothons.

Hélène de Billy s'est servie de ce canevas pour retracer sa biographie, tout en creusant la dynamique qui a concouru à sa perte. Elle fait ressortir surtout les conséquences funestes de ce détournement d'admiration sur un homme qui cherchait la reconnaissance avec tant d'obsession. Finalement, c'est la dive bouteille qui s'est présentée pour le réconforter de ses déboires.

Pour mettre en exergue cette déchéance, l'auteure a eu recours à un fils présumé de l'artiste, qui tente de reconstituer la vie de son père dans le cadre de ses études universitaires. Le suspense de ce roman biographique repose sur la découverte du portrait du compositeur que Léo Ayotte a peint alors qu'André Mathieu était adolescent. En quête de ce fameux tableau, le jeune étudiant retrace les pas de son père, qui était attiré particulièrement par la région de Mistassini, pas loin de laquelle la toile pouvait être.

Derrière cette recherche se profile la manie des Québécois de se chercher un Moïse pour les libérer de leur complexe, rôle qu'assume aujourd'hui Céline Dion. Contrairement à Maurice Richard, qui a eu droit à un icône de sauveur, André Mathieu a été oublié pour avoir glissé du sommet. C'est tout ou rien. Le succès des vedettes est important pour venger un peuple qui ne parvient pas à oublier son passé de colonisés.

La narration de cette histoire touchante passe par ce fils fictif qui s'adresse à son père avec la familiarité du " tu ". Son hommage posthume vise à reconnaître une filiation admirative envers André Mathieu, mort à 39 ans sans avoir eu d'enfants. Le lecteur risque de se lasser de l'expression de cet amour filial qui traîne en longueur.