Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Awumey, Edem.

Les Pieds sales.
Éd. Boréal, 2009, 157 p.

L'Exode africaine

Comme un Télémaque à la recherche de son père Ulysse, Askia a quitté son village sis en bordure du golfe de Guinée pour retrouver le sien. Il se rend à Paris, où il se fait chauffeur de taxi. C’est dans la ville lumière qu’il espère renouer, après 30 ans, avec son géniteur, qui, selon sa mère, porte toujours le turban. Détail vestimentaire qui s’est révélé précieux quand Olia, une cliente, lui révèle qu’elle a déjà peint un homme, qui serait son jumeau s’il portait le dit couvre-chef.

Comme un Télémaque à la recherche de son père Ulysse, Askia a quitté son village sis en bordure du golfe de Guinée pour retrouver le sien. Il se rend à Paris, où il se fait chauffeur de taxi. C’est dans la ville lumière qu’il espère renouer, après 30 ans, avec son géniteur, qui, selon sa mère, porte toujours le turban. Détail vestimentaire qui s’est révélé précieux quand Olia, une cliente, lui révèle qu’elle a déjà peint un homme, qui serait son jumeau s’il portait le dit couvre-chef.

Le fait le rassure sur sa destination. Sans les siens, le père d’Askia a suivi les pérégrinations du Sud vers le Nord, devenues courantes depuis la fin de la colonisation. Comme les Rois mages, les Africains s’enlignent sur les étoiles boréales pour échapper moins aux épidémies de criquets qu’à l’immense pauvreté et à la violence des dictatures, qui sévissent sous la ligne de l’équateur. En somme, c’est la course à l’eldorado qui rend les pieds sales. Mais les déplacements obligent les exilés à consolider leur identité et leur filiation pour survivre à l’intérieur de balises étrangères. L’exode n’est pas une panacée à la malédiction, qui colle aux peuples colonisés. En se déracinant du terreau qui les a vus naître, ils se fragilisent d’autant plus qu’ils doivent affronter les pourfendeurs de la pureté originelle, tels que les skinheads

Ce roman fort s’inscrit dans la mouvance d’une immigration, qui fuit les mauvais aruspices auxquels nous ont familiarisés Dany Laferrière et Marie-Célie Agnant, dont Le Livre d’Emma est l’as du genre. La thématique est traitée brillamment à l’intérieur d’une facture magmatique difficile à déchiffrer. Tout de même, grâce à cette œuvre, l’auteur d’origine togolaise habitant Gatineau a figuré dans la liste des prestigieux romanciers susceptibles de recevoir le prix Goncourt 2009.