Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Duchesne, Christiane.

L'Île au piano. Éd. du Boréal, 2003, 173 p.

En quête de filiation

Les Québécois connaissent bien les pluies diluviennes qui inondent chaque année des villages situés aux abords des cours d'eau. L'auteure applique ce filon à la thématique de la filiation. L'électricité en panne et les chemins emportés par l'eau rompent les liens avec le reste de la communauté. Il faut rétablir les ponts pour que la vie continue. Ainsi en est-il des humains s'ils ne veulent pas être des îles coupées du monde.

C'est le message véhiculé à travers la métaphore de l'eau dévastatrice. Dans ce roman, la pluie détache du continent un village construit sur une presqu'île qui s'avance profondément dans le fleuve St-Laurent. Tout laisse croire que c'est près de Pointe-au-Père, en aval de Rimouski. La veille de la tempête, une jeune femme de 21 ans vient s'installer dans une maison abandonnée depuis trente ans. Intriguée par cette nouvelle venue, la population cherche à connaître son identité. Le temps pluvieux ne facilite pas les communications. Mais l'adversité serre les coudes, surtout autour de ceux que les trombes d'eau menacent le plus.

Grâce au médecin du village, l'héroïne, prénommée Rose, retrace ses racines, dont bénéficiera l'enfant dont elle est enceinte. En attendant son mari, un ingénieur forestier qui travaille à la sauvegarde des arbres atteints par la tordeuse, elle s'intéresse aux villageois et, en particulier, à Emmanuel, un garçon de dix ans, orphelin comme elle à la suite de circonstances semblables. Chacun s'applique à trouver les amarres pour s'unir à autrui, comme Rose qui découvre sa grand'mère à travers un piano qui lui appartenait. Le dénouement, peu inventif, répond au Credo de ses oeuvres : la communion des humains et la résurrection des liens qui se perpétuent au-delà de la mort.

Cette histoire de filiation suit un sillage pélagique, qui confère au roman une atmosphère quelque peu fantastique, comme dans L'Iguane de Denis Thériault. Cette trame produit un bref roman, mais très relevé et empreint de poésie malgré les nombreuses subordonnées que comptent les phrases. L'écriture, à mille lieues du minimalisme, traduit en filigrane l'amour de la vie et l'amour tout court.