Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Patenaude, Monique.

Made in Auroville. Éd. Triptyque, 2004, 211 p.


L'Ashram de Sri Aurobindo


Sri Aurobindo est un Indien qui a étudié à Londres. Après ses études, il enseigne dans un collège et s'engage politiquement afin que son pays se libère du joug de l'Empire britannique. En 1908, il tourne le dos à son implication pour s'absorber dans la philosophie et le yoga. Sa pensée s'oriente vers l'apparition d'un être nouveau, débarrassé de l'esclavage de tout pouvoir. Il veut créer une cité qui n'appartient à personne, mais à toute l'humanité dans son ensemble. C'est à Auroville, près de Pondichéry, que naît son ashram regroupant 2000 de ses disciples. À sa mort, Mirra Alfassa, dit la Mère, continue de tracer la voie à toutes les âmes de bonne volonté.

Cette toile de fond soutient le roman de Monique Patenaude. Lysiane Delambre, une Montréalaise de 18 ans, est intéressée par cette expérience afin de résoudre le dilemme que lui pose l'absurdité de l'existence humaine. Un livre de Sri Aurobindo, trouvé par hasard dans un restaurant, l'incite à quitter le Québec pour l'Inde. Elle rejoint la poignée d'hommes et de femmes affairés à la construction de cette ville, où pourront vivre en harmonie les habitants de souche et les vélékarans, ces étrangers venus de partout. Avant de prendre sa décision, la jeune femme n'avait pas considéré les effets du choc culturel à son arrivée à Auroville. Peu de temps après son installation, elle doit être hospitalisée dans l'aile psychiatrique d'un hôpital de Pondichéry. Grâce à Christophe, elle réussit à s'intégrer à la communauté qui, selon elle, détient la clé de sa rédemption.

Son objectif est un défi de taille parce qu'il doit se concrétiser dans un milieu déchiré par son avenir. Construire une ville indépendante, autrement dit créer un nouvel État au sein même de son propre pays, engendre des conflits qui divisent la population. Même si la charte de l'ashram bannit le droit à la propriété, il n'en reste pas moins qu'elle vient à l'encontre des lois indiennes. Les Auroviliens doivent envisager une solution pour se conformer à la légalité sans trahir l'utopie qu'ils soutiennent. Le roman couvre en grande partie les affrontements entre les tenants de l'indépendance et ceux de la dépendance administrative concédée au Gouvernement. Malgré le débat politique sur le statut d'Auroville, Lysiane parvient quand même à maintenir sa recherche existentielle.

Cette cité nouvelle est le pilier du roman. Tous les personnages gravitent autour de la dynamique actionnant sa création. Chacun d'eux n'a d'importance que s'il soulève un pan des problèmes posés par cette utopie. Cette œuvre s'inspire davantage du discours que du roman. Le pôle informatif refroidit les éléments romanesques qui auraient pu embraser ce roman, dont le sujet passionne encore les âmes en quête d'une voie spirituelle. Et l'écriture peu chaleureuse retient aussi notre enthousiasme pour ce voyage au pays des yogis.