Bédard,
Jean
Maître
Eckhart.
Éd.
Stock,
1998,
352
p.
L'Aventure
spirituelle
de
Maître
Eckhart
Maître
Eckhart
est
un
dominicain
allemand
du
Moyen
Âge.
Suspect
d'hérésie,
il
fut
traduit
devant
le
tribunal
de
l'Inquisition,
qui
a
condamné
plusieurs
points
de
son
enseignement
dispensé
surtout
au
Studium
(école
monastique)
de
Cologne.
Dans
son
roman,
Jean
Bédard
analyse
la
pensée
de
ce
théologien,
fils
de
chevalier,
qui
a
décidé,
à
l'âge
de
dix
ans,
de
défendre
la
femme
et
les
démunis
en
voyant
réprimer
une
fillette
par
le
feu.
C'est
donc
à
quinze
ans
qu'il
entra
au
monastère
où
il
acquit
une
vision
platonicienne
de
l'univers.
S'inspirant
d'Augustin,
d'Albert
Le
Grand
et
de
Thomas
d'Aquin,
il
développa
une
théologie
qui
plaçait
les
humains
au
centre
de
la
création.
Contrairement
à
Aristote,
il
voyait
en
eux
des
êtres
illimités,
capables,
sans
égard
au
sexe,
de
s'approcher
de
Dieu
au
point
de
saisir
son
essence.
Le
multiple
n'étant
qu'un
reflet
de
l'Un,
voyait-il
aussi
la
théologie,
la
philosophie
et
les
sciences
plutôt
comme
des
angles
divers
du
Créateur
que
comme
des
disciplines
incompatibles.
Cette
perception
était
révolutionnaire
car
elle
faisait
sauter
les
conventions
qui
privaient
les
hommes
d'un
devenir
propre.
Reproduire
le
passé
équivaut
à
renier
son
avenir.
Pour
Maître
Eckhart,
les
hommes
et
les
femmes
sont
tous
des
viatiques
dont
Dieu
profite
pour
manifester
ses
impossibles
limites.
Nous
sommes
donc
le
temps
qu'Il
prend
pour
se
réaliser
quelque
peu
à
travers
ceux
qui
acceptent
l'aventure
spirituelle.
Cette
mission
ne
peut
plaire
aux
détenteurs
du
pouvoir.
Pour
eux,
il
faut
plutôt
assujettir
l'humanité
au
service
de
leurs
intérêts.
Dans
ce
contexte,
Eckhart
a
encouragé
le
béguinage
pour
que
les
femmes
puissent
échapper
aux
mariages
organisés,
à
la
chasse
aux
sorcières.
Une
béguine
est
une
célibataire
qui
vit
dans
un
couvent
sans
appartenir
à
la
communauté
qui
l'accueille.
En
somme,
ce
grand
théologien
a
lutté
toute
sa
vie
pour
que
l'être
humain
retrouve
sa
dignité
et
sa
liberté.
Il
a
tenté
en
vain
d'entraîner
l'Église
dans
cette
voie,
mais
Elle
était
trop
occupée
à
des
jeux
de
coulisses
devant
mener
à
l'avènement
d'une
théocratie
servie
par
le
pouvoir
temporel.
Le
roman
prend
la
forme
de
propos
recueillis
par
le
Père
Conrad,
mandaté
par
son
supérieur
afin
de
savoir
si
le
Maître
répand
une
doctrine
hérétique.
On
suit
donc
Eckhart
dans
tous
ses
déplacements.
Son
compagnon
d'office
relève
les
propos
qu'il
tient
avec
différents
interlocuteurs.
Il
est
scandalisé
de
l'entendre
parler
aux
femmes,
particulièrement
à
Katrei
qui
deviendra
sa
fille
spirituelle
après
avoir
été
violée
par
deux
dominicains.
Les
ennuis
du
théologien
découlent
de
la
connaissance
de
cette
ignominie
commise
par
ses
confrères.
Quel
plaisir
ce
serait
pour
eux
d'emmener
sur
le
bûcher
celui
qui
s'apprête
à
obtenir
justice
pour
sa
protégée!
Jean
Bédard
saisit
bien
les
enjeux
entre
les
parties
qui
s'affrontent
dans
son
roman.
Ce
duel
théologique
s'appuie
sur
des
conversations
coupées
d'anecdotes
qui
laissent
transparaître
la
bonté
de
maître
Eckhart
envers
les
"
rejects
"
du
temps.
Ce
minimalisme
romanesque
rend
un
peu
laborieuse
la
lecture
de
ce
roman
d'autant
plus
que
l'auteur
n'édulcore
pas
les
doctes
propos
de
ses
personnages.
Par
contre,
la
technique
d'écriture
est
impeccable,
ce
qui
compense
pour
la
rigueur
du
discours.
Cet
excellent
roman
est
une
sorte
de
Cantique
des
cantiques,
d'hymne
à
la
vie
comme
L'Histoire
de
Pi
de
Yann
Martel.
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