Daviau,
Diane-Monique.
Ma
Mère
et
Gainsbourg.
184
p.
Un
deuil
impossible
"
Aujourd'hui,
maman
est
morte
",
est
la
première
phrase
de
L'Étranger
d'Albert
Camus.
Comme
un
clin
d'œil
à
cet
auteur,
Diane-Monique
Daviau
commence
son
récit
en
annonçant,
elle
aussi,
la
mort
de
sa
mère
Thérèse
:
"
Elle
n'existe
plus.
"
Cette
formulation
est
moins
clinique,
car
elle
indique
que
la
grande
faucheuse
a
laissé
des
traces.
C'est
notamment
le
cas.
À
40
ans,
la
narratrice
n'a
pas
réussi
encore
à
percer
la
forteresse
de
sa
mère,
femme
insensible
à
l'existence
de
ses
enfants.
Elle
fut
si
peu
maternelle
qu'il
ait
à
se
demander
comment
l'auteure
peut
trouver
difficile
de
faire
le
deuil
de
cette
femme
acrimonieuse.
Sa
mort
devrait
plutôt
représenter
une
délivrance
alors
qu'elle
n'engendre
que
tristesse.
La
tristesse
de
n'avoir
pu
apprivoiser
cette
mère
manquante,
plus
préoccupée
d'attirer
l'attention
sur
elle,
en
recourant
même
au
chantage
:
"
Quand
je
vais
mourir,
les
gens
vont
être
surpris.
Mais
il
va
être
trop
tard.
"
L'échec
de
la
narratrice
n'est
pas
total.
Elle
a
appris
quelques
faits
qui
expliqueraient
la
conduite
de
sa
mère.
Unique
au
milieu
de
cinq
garçons
qui
lui
menaient
la
vie
dure,
elle
a
dû
s'affirmer
pendant
toute
sa
jeunesse.
La
méfiance
d'autrui
la
guida
donc
pour
le
reste
de
ses
jours,
en
érigeant
même
des
barrières
entre
elle
et
ses
enfants.
La
quête
de
filiation
de
la
narratrice
prend
soudainement
fin
quand
Thérèse
meurt
prématurément
à
65
ans
d'un
œdème
pulmonaire.
C'est
un
double
deuil
pour
l'héroïne
:
celui
de
sa
mère,
mais
aussi
de
la
possibilité
de
se
faire
voir,
comme
l'écrirait
Virginia
Woolf,
dans
les
yeux
de
cette
femme
que
rien
ne
pouvait
contenter.
La
narratrice
produisait
chez
elle
le
même
effet
que
Gainsbourg
chez
les
défenseurs
de
la
rectitude
sociale.
Son
identification
à
ce
personnage
souligne
donc
ce
qui
les
distance,
mais,
en
mourant,
Thérèse
rend
caduc
le
point
de
repère
de
sa
fille.
Au
royaume
de
l'au-delà,
les
antagonismes
ne
tiennent
plus.
Comme
l'a
écrit
Cioran,
"
le
tombeau
est
une
oasis
",
laissant
aux
survivants
le
soin
de
se
dépêtrer
dans
les
sables
mouvants
de
leur
existence.
Le
deuil
devient
ainsi
impossible
car
les
irritants
demeurent.
Et
comme
la
mère
et
la
fille
se
ressemblent
physiquement,
il
est
d'autant
plus
difficile
à
cause
de
la
crainte
d'avoir
hérité
aussi
du
tempérament
de
la
génitrice.
Diane-Monique
Daviau
a
construit
un
parallélisme
original
pour
souligner
ses
relations
filiales
empoisonnées.
Chevauchant
sentiments
et
souvenirs,
le
récit
raconte,
avec
vivacité
et
sans
pathétisme,
l'échec
tragique
de
l'auteure
dans
sa
tentative
de
se
valoriser
aux
yeux
de
sa
mère,
comme
c'est
le
cas
aussi
dans
Les
Yeux
du
père
de
Guy
Lalancette.
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