Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Moutier, Maxime-Olivier.

Marie-Hélène au mois de mars. Éd. Triptyque, 1998, 162 p.

L'Infidélité qui mène au suicide

Écrire peut servir de thérapie. Les mots détiennent, semble-t-il, le pouvoir de soutenir le poids de notre misère morale. Dans le sillage de Nelly Arcan qui a eu recours à ce procédé dans Folle, Maxime-Olivier Moutier a écrit un roman autobiographique qui explique comment l'infidélité de son amante Marie-Hélène l'a mené au suicide un certain dimanche du mois de mars. Sauvé de la mort par celle-là même qui l'a trompé, il est conduit à sa demande à l'hôpital psychiatrique Saint-Vincent-de-Paul sis à Sherbrooke où il étudie. Il s'agit donc de l'histoire d'une déloyauté dont le héros de 23 ans ne peut faire le deuil.

Pendant son internement volontaire, Maxime tente de mieux saisir l'origine de son instinct suicidaire. Il remonte la filière familiale afin de décortiquer le modus operandi des siens. Issu d'immigrants français venus s'installer à Montréal, il réalise que sa jalousie maladive repose sur les brisures qui ont façonné le comportement du clan Moutier. Marqué par un grand-père trahi par sa femme et par la France en débandade lors de la Deuxième Guerre mondiale, le héros de ce roman a offert sa vie pour rompre, bien inconsciemment, le maillon des trahisons qui ont frappé sa famille. Ça rappelle l'Emma de Marie-Célie Agnant, qui a commis un infanticide afin de libérer sa fille du sort réservé à la femme antillaise. L'analyse des tenants et des aboutissants de cette dynamique transcende les causes du suicide raté de Maxime. On perçoit aussi toute l'éducation qu'il a reçue. Elle se rattache discrètement à la civilisation judéo-chrétienne, dont le message d'espérance surgit après la tempête. Comme le Christ, il voudrait connaître sa transfiguration sur le mont Thabor pour retrouver l'amour de Marie-Hélène.

Alternant entre le moment présent et l'antériorité, ce roman ressemble à un témoignage livré dans une langue presque clinique à l'instar de celle des professionnels des milieux psychiatriques. L'absence de lyrisme n'empêche pas de ressentir toutes les souffrances de l'auteur. Comme Hubert Aquin, il élève le vécu au rang de la fiction parce que, quelque part, il contient une intemporalité salvatrice. Hélas, ce ne fut pas le cas pour l'auteur de Prochain Épisode.