Ollivier,
Émile.
Mille
Eaux.
Éd.
Gallimard,
1999,
174
p.
Une
enfance
haïtienne
Dans
Mille
Eaux,
Émile
Ollivier
raconte
son
enfance
à
l'abri
des
problèmes
pécuniaires.
Sa
mère,
ayant
hérité
de
nombreux
domaines,
subvenait
facilement
aux
besoins
de
Milo,
son
fils
unique.
D'ailleurs,
cette
aisance
lui
attira
bien
des
ennuis.
Ce
fut
"
un
beau
cas
de
malentendu
".
Les
gens
modestes
ne
le
considéraient
pas
comme
l'un
des
leurs,
et
les
bourgeois
non
plus,
car
le
manque
de
talent
de
sa
mère
comme
gestionnaire
l'obligea
à
vendre
ses
propriétés
l'une
après
l'autre.
Il
habita
ainsi
à
plusieurs
endroits,
s'entraînant
de
ce
fait
à
émigrer.
Les
déménagements
engendrent
parfois
la
solitude
chez
les
enfants.
La
marche
suppléa
à
ce
manque
de
relations
comme
il
l'écrit
lui-même
:
"
C´est
probablement
de
ma
mère
que
je
tiens
cette
propension
à
marcher
[...],
cet
autre
versant
de
la
solitude
qu´est
la
marche.
Car,
marcher,
c´est
s´entourer
de
vide,
c´est
laisser
l´esprit
en
chute
libre,
c´est
bouleverser
le
sens
de
l´orientation,
changer
d´angle,
multiplier
les
points
de
vue.
"
Grâce
à
ses
randonnées,
la
flore
et
les
oiseaux
de
son
pays
attirèrent
son
attention.
Et
la
nature
tropicale
est
généreuse
à
cet
égard.
Cet
attrait
est
une
caractéristique
des
âmes
sensibles,
comme
l'est
aussi
l'amour
des
mots
qui
l'habitait
:
"
J'ai
compris
très
tôt
que
les
mots,
gonflés
de
sève,
marchent
au-dessus
de
l´humanité.
J´avais
au
fond
découvert
que
les
mots
avaient
une
mission
:
ils
devaient
nous
apprendre
à
vivre.
Alors,
je
les
pistai,
je
les
traquai,
et,
sur
ce
chemin,
j´entendis
le
bruissement
des
pas
d´immenses
tribus
qui
m´avaient
précédé
et
je
me
réjouissais,
en
secret,
d´avoir
cette
foule
innombrable
d´amis.
"
Cette
compensation
le
rendit
heureux
grâce
à
la
sagesse
de
sa
grand'mère
qui
l'avait
incité
à
lire.
Il
a
aussi
beaucoup
appris
en
observant
les
personnages
originaux
qui
vivaient
autour
de
lui.
"
Sous
les
tropiques,
il
n'y
a
pas
que
la
végétation
qui
soit
exubérante;
les
êtres
le
sont
aussi.
"
Ainsi
Lucette
et
les
hommes
qui
la
fréquentaient,
son
instituteur,
un
prêtre
admirateur
de
Staline,
tous
ont
contribué
à
sa
formation.
Il
avait
compris
que
"
c'est
une
bibliothèque
qui
brûle
"
quand
quelqu'un
meurt.
Autant
en
profiter.
Milo
n'est
pas
non
plus
indifférent
à
la
vie
de
son
pays.
Comme
le
roman
prend
fin
avec
ses
treize
ans,
soit
le
jour
de
la
mort
de
Staline,
il
est
en
mesure
de
saisir
certaines
vérités.
Il
a
compris
qu'
"
à
l´Est
comme
à
l´Ouest,
la
folie
des
hommes
leur
commande
d´adapter
les
institutions
à
la
guerre,
aux
besoins
de
la
guerre,
aux
exigences
de
la
guerre,
aux
rigueurs
de
la
guerre.
"
Mais
ce
qui
le
fait
le
plus
souffrir,
c'est
de
voir
son
pays
s'enliser
:
"
Le
peuple
haïtien
est
passé
directement
de
l´esclavage
à
l´indépendance.
Cet
exploit
lui
a
demandé
une
telle
dépense
d´énergie,
une
telle
mobilisation
de
toutes
ses
ressources
vives
que,
depuis
deux
siècles,
il
se
repose,
épuisé,
exsangue.
"
Et
si
les
dirigeants
haïtiens
admiraient
le
maître
du
Kremlin,
il
faut
comprendre
qu'ils
admiraient
en
lui
l'homme
d'action.
Mais
savaient-ils
à
l'époque
que
son
succès
reposait
sur
les
purges
sibériennes?
Ce
récit
polyphonique
très
poétique
évoque
un
enfant,
à
qui
les
circonstances
de
la
vie
ont
donné
une
maturité
exceptionnelle.
Émile
Ollivier
étale
ses
photos
jaunies,
mais
il
sait
très
bien
que,
"
lorsqu´on
croit
évoquer
le
passé,
il
n´y
a
qu´un
pour
cent
de
véritable
évocation
:
le
reste
n´étant
que
fantaisie.
"
Peu
importe
si
c'est
plus
ou
moins
autobiographique.
Cette
oeuvre
suit
le
cheminement
qui
en
fit
un
homme
heureux.
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