Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Perro.

Mon frère de la planète des fruits.
Éd. Les Intouchables, 2001, 124 p.

La Déficience mentale

Bryan Perreault (Perro) aborde avec habileté le thème de la déficience mentale. Son roman donne la parole à un narrateur qui semble être trisomique. Son univers n'est pas aussi limité que l'on peut l'imaginer. Ce n'est pas parce qu'on est déficient qu'on est dépourvu de jugement et de sentiments.

Il vit donc en institution. Sa famille est morte dans un accident de la route. Il lui reste un frère aîné qui, tous les dimanches, vient le chercher pour une promenade en automobile. Que l'on pense au Huitième Jour avec Daniel Auteuil. Ce frère est le seul lien qui le rattache au monde de la planète des fruits, celui des bien-portants. Quant au cadet, il est habité par un " poisson " qui lui empoisonne l'existence.

Malgré ses difficultés, il se crée un monde à sa mesure. D'abord il tient à ce lien fraternel avec le reste du monde. Il n'est aucunement replié sur lui-même. Il s'imagine même en amant d'une patiente qui viendrait compenser ses manques. À travers ce personnage, l'auteur tente de montrer que le handicap mental n'évacue pas l'humanité de ceux qui en sont victimes. D'ailleurs le dénouement tragique viendra le confirmer.

Ce beau roman rappelle le monde du conte. Ce n'est pas une dénonciation des institutions. On fait bien allusion à une préposée qui bat les malades, mais celle qui retient l'attention, c'est la préposée aux " grosses fesses ", qui pousse la gentillesse jusqu'à satisfaire la libido de l'aumônier. Ce n'est pas dépourvu d'humour malgré le tragique de la trame romanesque.

L'auteur n'a pas voulu écrire une oeuvre didactique. Il se limite à l'univers de son déficient, dont il découvre le potentiel malgré le handicap. C'est court, c'est simple, c'est humain. Après cette lecture, on ne regardera plus les déficients du même oeil.