Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Turcotte, Élise

Pourquoi faire une maison pour ses morts . Éd. Leméac, 2007, 125 p.

Pour une symbolique de la mort

À l'ère des pré-arrangements et des liturgies de la parole devant une urne funéraire, la mort a perdu de sa solennité. Terminé le crêpe noir à la porte de la maison habitée par le défunt et la veillée au corps pendant trois jours. Terminées aussi les funérailles présidées par un prêtre vêtu d'une chasuble noire dans des églises ornées de banderoles de la même couleur. Les rituels ont été remplacés par une courte cérémonie préparée à l'avenant et meublée bien souvent d'applaudissements comme si le défunt était encore vivant. Ainsi désacralisée, la mort devient un passage obligé dont il faut s'acquitter le plus rapidement possible. " The show must go on ", entendons-nous parfois à propos du deuil qui nous attend. Nous perdons de vue que la vie repose sur ceux qui l'ont entretenue. Le respect des fins dernières disparu, nous nous créons une société sans ancêtres comme si l'existence avait commencé et se terminera avec nous.

À l'instar de Catherine Mavrikakis (Deuils cannibales et mélancoliques) ou France Ducasse (La Mort ne tue personne), Élise Turcotte aborde la finitude que nous balayons souvent du revers de la main. Nous nous isolons en relayant, à mauvais escient, cette préoccupation au plus profond de nous-mêmes alors que la finalité terrestre donne accès à " un autre monde à l'intérieur du monde ". Cette œuvre nous invite à recréer une symbolique pour que la mort reconquière toute sa poésie et sa beauté par des rituels que suivent même les animaux, tels " les éléphants qui tracent un cercle en piétinant la terre pour délimiter le lieu de leur dernier repos ". Même si tous les éléments qui la caractérisent nous sont décrits avec précision comme la putréfaction, il n'y a rien de morbide dans les descriptions de l'auteure. Elle s'intéresse à tout ce qui est du règne animal. L'acceptation du phénomène nous prédispose davantage à la création d'une mythologie qui accompagne le passage de la vie à trépas. Bien comprise, la mort facilite en quelque sorte le processus du deuil. Comme nous la vivons aujourd'hui, les survivants risquent beaucoup plus d'en être marqués. Ils auront l'impression d'avoir été abandonnés. Par contre, savoir " faire une maison pour ses morts ", ne peut rendre la vie que plus belle. Dans ce contexte, la grève du cimetière Notre-Dame-des-Neiges apparaît assez odieuse.

À travers sept courts textes d'une grande unité, Élise Turcotte trace une voie royale aux Parques qui président à notre destin. Nous pouvons nous lasser à la lecture de ses récits qui martèlent forcément la thématique, mais l'écriture est un vrai délice pour ceux qui aiment les plumes qui ne traînent pas dans les ornières.