Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Larose, Jean.

Première Jeunesse. Éd. Leméac, 1999, 306 p.

La Réforme scolaire des années 60

La création du ministère de l'Éducation en 1964 entraîna des changements qui se sont fait sentir en 1969 alors que les collèges classiques disparurent au profit des cégeps. Ce passage obligé dans des structures nouvelles ne se fit pas sans pleurs ni grincements de dents. D'abord, le corps enseignant dut s'adapter à de nouveaux contenus exigeant une nouvelle pédagogie. Les élèves aussi durent faire le saut de l'innovation. L'école des nouvelles normes mit en deuil les idéaux de naguère et créa des objectifs plus concrets : apprentissage d'un métier, initiation à la vie économique, initiation aux médias... Bref, un brusque revirement de 360 degrés, effectué sans préparations suffisantes.

C'est ce contexte qu'exploite Jean Larose dans Première Jeunesse. Le héros et narrateur raconte sa vie estudiantine alors que le système d'éducation en est à un moment charnière de son évolution. Il aime bien l'école et les filles qu'il peut facilement côtoyer. Mais fini le temps de la pièce de théâtre qui couronnait la fin de l'année scolaire. Il faut dorénavant préparer une super fête ressemblant aux regroupements des " raves ". Pour mettre un terme au règne de la grande noirceur comme certains ont désigné les décennies qui ont précédé celle de 1960, il a fallu que tous s'ajustent rapidement pour se jauger à l'aune des nouveaux principes. Qu'attendait-on d'eux? La réponse de Jean Larose est claire. S'adapter à un système non éprouvé conçu plutôt pour se venger des frustrations du passé qui nous avait embrigadés dans un système érigé pour la défense de la religion catholique et de la langue française. Cette libération souhaitée depuis longtemps a laissé place à des pratiques des plus farfelues qui ne pouvaient qu'encourager la médiocrité du fait que la nouvelle réglementation ait été instaurée sans rigueur.

Ce roman de Jean Larose rafraîchira la mémoire des aînés et montrera aux plus jeunes de quel système ils sont issus. L'auteur est un polémiste articulé et sévère. Il a en horreur les à-peu-près de ceux qui ont préparé une réforme qui a conduit aux résultats décevants que l'on connaît. Aujourd'hui, les changements improvisés du temps nous obligent à préparer de nouvelles réformes pour redresser la situation. Plus la roue tourne, plus c'est pareil.
Bref, Jean Larose a écrit un roman très riche et bien écrit pour défendre une cause qui lui tient à cœur, celle de l'éducation. Mais son regard partial vise seulement les endroits où le bât a causé des blessures. Il a oublié de dire, entre autres choses, que les réformes qu'ils dénoncent ont donné aux Québécois un réseau d'écoles publiques accessibles à tous. La démocratisation de l'enseignement me semble un avantage à ne pas dédaigner. Il faut lire La Gloire de Cassiodore de Monique La Rue pour entendre un son de cloche moins déprimant.