Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Chassay, Jean-François


. Sous pression. Éd. Boréal, 2010, 232 p. ISBN 9782764620014
Un homme déclare à son ami qu'il va se suicider à minuit ce jour-là.

Peut-on se suicider ?

La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Jean-François Chassay revisite Camus pour y répondre sans pour autant parvenir à la même conclusion. Meursault se dit heureux dans L’Étranger, parce qu’il « s’ouvre à la tendre indifférence du monde ». Dans Sous pression, un professeur de physique de Montréal provoque ses amis, à qui il a fixé un rendez-vous au cours d’une seule journée pour éprouver leurs convictions à l’égard du bonheur sur terre. À l’instar du théâtre classique, l’intéressé, qui pense au suicide, veut entériner sa décision sur-le-champ en transférant le poids de ses soucis sur les épaules d’autrui, comme Don Diègue qui supplie le Cid de venger son honneur.

S’ils ne parviennent pas à lui fournir des arguties, qui justifieraient la nécessité de la vie, le héros s’épargnera toute culpabilité avant de poser l’acte fatal pour échapper, contrairement à Sisyphe, de rouler son rocher au sommet d’une montagne. Étant physicien, il avait cru élucider le dilemme que pose l’existence. Mais l’humanité ne se réduit pas à une accumulation de molécules que l’on parvient à comprendre par une analyse scientifique.

Les saintes Véroniques et les saints Josephs d’Arimathie que le héros a convoqués pour l’aider à monter au calvaire se sont assis sur sa croix en lui tenant des propos stériles. Mais le bavardage est très révélateur de la piètre image qu’il projette. C’est un savant prétentieux, brillant certes, mais il a passé sa vie dans une tour, indifférent aux autres alors qu’à 47 ans, il accomplit un virage à 180 degrés pour que l’on verse quelques larmes sur l’absurdité de la vie. Déception ! On lui commande de se retrousser les manches pour soigner sa peste existentielle. On ne fuit pas la maladie, on l’assume comme le médecin de La Peste.

En somme, il s’agit d’une réflexion philosophique, kaléidoscopique de par la diversité de ceux que le héros a consultés. Derrière cet exercice shakespearien, on sent qu’il faille adopter un existentialisme utilitariste pour survivre dans la jungle humaine.

Fidèle à la facture dichotomique de Laisse, son précédent roman portant sur les chiens et leurs maîtres, l’auteur partage celui-ci entre les pensées d’un prof, qui se prend pour le Christ à Gethsémani, et les monologues de ses amis. La facture n’est pas sans causer quelque ennui de par sa redondance qu’atténue une écriture limpide. Bref, inspiré d’une vaste culture, ce regard sur la via dolorosa exploite la seule question importante de la vie, mais sans répondre aux attentes du lecteur.