Senécal,
Patrick.
Sur
le
seuil.
Éd.
Alire,
2003,
429
p.
L'Art
de
la
tuerie
On
frémit
quand
on
pense
aux
événements
de
l'actualité
qui
ne
se
comptent
plus
en
tueries
diverses,
que
ce
soit
au
HEC
de
Montréal,
à
Oklahoma,
dans
les
restaurants
ou
les
écoles
américaines
ou
encore
au
sein
des
sectes.
Avec
Sur
le
seuil,
Patrick
Senécal
ajoute
sa
pierre
à
ces
massacres
hystériques
qui
caractérisent
de
plus
en
plus
nos
sociétés.
Il
raconte
le
genèse
de
Thomas
Roy,
un
écrivain
qui
a
voulu
se
suicider
après
s'être
senti
l'instrument
des
ténèbres.
On
pourrait
considérer
le
héros
comme
le
bébé
de
Rosemary
du
célèbre
roman
d'Ira
Levin,
planté
au
cœur
de
la
tuerie
de
l'Ordre
du
Temple
solaire.
L'auteur
ne
conduit
pas
directement
le
lecteur
au
cœur
des
drames
qu'il
concocte
pour
les
cent
dernières
pages.
Les
trois
quarts
de
l'œuvre
s'appliquent
à
circonscrire
la
personnalité
du
célèbre
écrivain,
qui
s'inspire
des
crimes
atroces
commis
au
Québec
pour
écrire
ses
romans
d'horreur.
Le
héros,
ne
sentant
plus
la
force
de
se
faire
l'écho
du
mal,
décide
de
mettre
fin
à
ses
projets
romanesques
en
se
coupant
les
doigts
avec
un
massicot.
Taraudé
par
un
esprit
maléfique,
il
réalise
que
son
acte
sadique
n'est
pas
suffisant
pour
le
détourner
de
l'écriture.
Mieux
vaut
alors
fuir
cette
vie
insupportable
en
se
défenestrant.
Ce
geste
qui
devait
s'avérer
fatal
le
conduit
dans
l'aile
psychiatrique
d'un
hôpital
de
Montréal.
Le
Dr
Lacasse
est
mandaté
pour
le
traiter.
Malgré
le
cynisme
manifesté
pour
sa
profession,
il
s'intéresse
à
ce
cas
au-delà
de
toutes
compétences
professionnelles.
Sous
la
pression
d'une
consoeur
et
d'un
journaliste
à
potins,
il
entreprendra
des
démarches
qui
aboutiront
au
cœur
du
dilemme
responsable
de
la
personnalité
de
ce
patient
peu
commun.
Dérogeant
à
sa
conduite
habituelle,
le
psychiatre
s'implique
personnellement,
autant
pour
élucider
le
mystère
du
héros
que
pour
mettre
fin
à
un
doute
qui
l'habite
lui
aussi.
À
l'aube
de
sa
retraite,
il
ne
veut
pas
rester
"
sur
le
seuil
"
de
la
porte
derrière
laquelle
se
cache
la
vérité.
Tout
s'explique-t-il
ou
n'y
aurait-il
pas
une
part
d'ombre
qui
nous
empêcherait
de
filtrer
les
incursions
irrationnelles
du
subconscient?
Ce
qu'il
découvre
est
intimement
lié
à
l'enfance,
voire
même
à
ce
qui
la
précède.
Et
c'est
dans
une
église
paroissiale
près
de
Québec
que
la
vérité
sortira
en
partie
de
la
bouche
d'un
ancien
vicaire,
témoin
de
la
naissance
de
Thomas
Roy.
Cette
trop
longue
mise
en
situation
débouche
sur
une
tuerie
commandée
par
un
prêtre
qui
a
perdu
confiance
aux
forces
du
Bien.
Avec
les
membres
de
la
secte
qu'il
a
fondée,
il
préside
dans
une
église
à
des
activités
comparables
aux
atrocités
racontées
par
Gabrielle
Lavallée
au
sein
du
groupe
de
Roch
Thériault.
C'est
lors
de
ces
rencontres
démoniaques
que
serait
né
l'écrivain,
investi
à
tout
jamais,
comme
un
schizophrène,
par
la
voix
de
cet
homme
d'Église,
qui
guide
son
protégé
vers
un
art
romanesque
consacré
au
dieu
du
Mal.
Certains
ont
vu
dans
ce
roman
de
Patrick
Senécal
"
un
excellent
divertissement
délicieusement
atroce
".
Il
faudrait
demander
l'avis
des
parents
qui
ont
perdu
leur
fille
lors
du
carnage
de
l'École
polytechnique
ou
à
ceux
qui
ont
perdu
leur
enfant
dans
l'explosion
d'une
garderie
d'Oklahoma.
Pourtant
on
se
scandalise
de
la
pratique
des
chasseurs
de
phoques.
Réactions
paradoxales!
On
applaudit
même
le
spectacle
des
Jackass
alors
que
l'on
fustige
les
fermiers
qui
maltraitent
les
animaux.
Le
genre
humain
serait-il
devenu
une
insignifiance
qui
ne
mérite
pas
notre
attention?
Au
lieu
de
considérer
cette
oeuvre
comme
un
"
pur
délice
",
il
serait
plus
clairvoyant
d'y
voir
un
rappel
de
notre
fragilité,
prémices
à
tous
les
débordements.
D'autres
y
ont
vu
un
roman
fantastique.
Les
tueries
font-elles
partie
d'un
monde
imaginaire?
Et
les
voix
provoquées
par
les
psychoses
sont
bien
réelles
pour
les
patients
qui
en
souffrent.
L'œuvre
côtoie
plutôt
un
monde
paraphrénique
où
le
chimérique
se
dispute
le
réel.
À
ce
chapitre,
Sur
le
seuil
est
très
intéressant.
Il
faut
dire
en
plus
que
c'est
un
roman
bien
structuré.
Les
rebondissements
sont
choisis
judicieusement
et
bien
enchaînés.
Malgré
les
longueurs,
Patrick
Senécal
est
un
bon
conteur
qui
sait
garder
son
lecteur
en
haleine.
Par
contre,
il
ne
lui
fait
pas
confiance.
Il
a
tout
prévu.
Même
l'écriture
s'en
ressent.
On
dirait
celle
d'un
premier
de
classe
qui
évite
les
structures
trop
difficiles.
Bref,
les
amateurs
de
sensations
fortes
sont
conviés
à
un
spectacle
de
flagellations,
de
doigts
coupés,
d'œil
crevé
avec
un
crayon,
de
lacérations,
de
peaux
pendantes,
d'os
qui
sortent
du
corps,
de
femmes
enceintes
éventrées,
de
nécrophilie,
d'enfants
que
l'on
noie,
de
"
snipers
"
d'enfants...
Les
bains
de
sang
sont
devenus
une
mode
comme
l'illustre
aussi
La
Dernière
Enquête
de
Julie
Juillet
de
Sylvain
Meunier.
Le
seuil
de
notre
tolérance
serait-il
aussi
grand
si
le
"
divertissement
"
proposé
reposait
sur
la
souffrance
que
les
humains
imposent
aux
animaux?
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