Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Houde, Nicole.

Une folie sans lendemain. Éd. de la Pleine Lune, 2002, 104 p.

Pour une mort plus humaine

Une folie sans lendemain est une oeuvre curieuse de par sa forme. Il s'agit dans une première partie du récit de la vie d'une femme en phase terminale d'un cancer foudroyant. Suit une narration d'un personnage de ce récit, et le tout termine par deux lettres de l'auteure à une comédienne et amie, qui semble être Charlotte Boisjoly, décédée récemment. Évidemment, la mort est au centre des préoccupations de l'auteure.

Il ne s'agit pas de considérations métaphysiques sur le sujet comme c'était le cas dans Du mercure sous la langue de Sylvain Trudel, qui narrait les derniers moments de la vie d'un adolescent atteint du cancer. Céline, l'héroïne et narratrice, n'essaie pas d'intellectualiser ce qui l'attend. Elle cherche plutôt à retrouver ce qui fut à l'origine de son identité. À 54 ans, elle retourne à l'Anse St-Jean, son village natal, situé en bordure de la rivière Saguenay. Elle se retrouve donc avec les siens dans le royaume qui l'a vue naître. Pendant cette attente de la mort, elle évoque ceux qui l'ont précédée sur cette terre et se rapproche de sa fille Sylvie, en qui elle voit la continuité du monde.

Cet attachement est capital pour traverser cette épreuve de la maladie et de la mort avec une certaine sérénité. Elle prévaut sur la mauvaise réputation de la famille au sein de la communauté à laquelle elle appartient. La folie semble l'atavisme de ce clan marqué par le suicide de la mère de l'héroïne alors qu'elle n'avait que 14 ans. Peu importe les événements tragiques, Céline reconnaît sa filiation qu'elle espère bien voir prolonger par Sylvie. Elle veut mourir entre des mains familiales qui, espère-t-elle, vont lui épargner les supplices du médicament qui fait du moribond " ce rien que la société l'a encouragé à devenir depuis longtemps. "

Elle cherche un accompagnement idéal dans la mort. Et si Dieu le veut, même si ses croyances sont tièdes à l'image de la société occidentale actuelle, elle implore sa sœur d'intercéder auprès du frère André afin d'obtenir un miracle en sa faveur. Mais son plus grand secours lui vient de sa culture. Professeur, elle connaît les poètes en qui elle se reconnaît. Leurs vers la soutiennent dans l'agonie, mais elle pense surtout à Jenny, la femme de Karl Marx. Elle est encouragée par l'exemple de cette mère au chevet de ses enfants, emportés jeunes par la maladie.
L'auteure donne à la mort le visage le plus humain possible, loin de la " peste émotionnelle ", analysée par Wilhelm Reich, qui redonne au moribond une apparente santé sous l'effet de puissants analgésiques. On sent chez l'auteure le parti pris de rendre la mort l'affaire de tous et non seulement l'affaire des compagnies pharmaceutiques, qui s'enrichissent au détriment des mourants. Nicole Houde a joué au funambule en abordant ce sujet, mais elle a réussi à éviter le piège de la sensiblerie. Heureusement ! Malgré l'écriture humaine et parfois poétique, son oeuvre aurait été plus achevée sans cette scission en trois parties distinctes. Il aurait été préférable de renforcer les maillons les plus faibles comme les relations de l'héroïne avec son père et celui de sa fille.