Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Arbour, Marie-Christine.

Une mère.
Éd. Pleine Lune, 2008, 120 p. .

L'Enfer au féminin

Ce roman s’inscrit dans le créneau des femmes abandonnées du jour au lendemain par leur mari au profit d’une plus jeune. Après avoir été une banlieusarde de Laval, fière d’être mariée à un homme qui a réussi dans la vie, Madeleine se retrouve seule avec sa fille Caroline, la narratrice, dont elle a la garde. Sa situation n’est pas unique, mais elle n’en est pas moins accolée à la pauvreté.

Pour contrer la panade, elle est prête à tous les sacrifices pour survivre au rejet dont elle est victime. Elle parcourt, comme une agente immobilière, le marché des cœurs à vendre. Le succès de l’entreprise repose sur l’apparence. Sa victoire contre les rides et les poignées d’amour lui mérite un second mari, un notaire avec qui elle vit les affres d’une famille reconstituée. C’est encore l’échec qui la projette finalement dans les bras d’amants d’infortune. En fait, Madeleine ne conçoit son existence qu’en menant une vie de couple. Mais elle est consentante d’intervertir l’icône maternelle. Elle s’éprend d’un Américain, avec qui elle mène la vie primitive des hippies. Comme les privations pécuniaires ne sont pas son fort, elle continue d’essayer de réintégrer le rang des femmes bien argentées.

Elle s’attache indûment à sa fille pour affronter le désert qu’elle ne parvient pas à traverser. Une alliée complice du combat d’une mère contre l’adversité. Le roman raconte surtout cette fusion malsaine que Caroline réussit à maîtriser sans tomber dans le piège de la perversité des jeunes filles confinées à des rôles qui les dépersonnalisent comme l’a montré le film Survivre à sa mère.

Sans concession, Marie-Christine Arbour décrit la géhenne qui attend la femme occidentale privée de l’attention qui assurerait son épanouissement. Un enfer qui étale avec pudeur les tripes des personnages. L’auteure est respectueuse des sentiments qu’elle dévoile en dehors de tout ordre chronologique. Dans de longues associations de mots du plus bel effet, ses envolées lyriques surannées s’égarent dans des champs sémantiques vaporeux. Bref, le roman présente une femme incapable de s’imposer comme égérie.