Paul-André Proulx

Littérature Québécoise

Chalifour, Nicolas.

Vu d’ici, tout est petit. Éd. Héliotrope, 2009, 214 p.

La Vie d’hôtel

Ce premier roman fut l’objet de scolies élogieuses. Jean Fugère de Radio Canada, un routier aguerri de la littérature, a été, quant à lui, « complètement séduit ». C’est suspect qu’un auteur ait évité, semble-t-il, toutes les faiblesses d’une première œuvre. On loue particulièrement les qualités d’une écriture empruntée à la naïveté enfantine.

Caché dans un hôtel, le héros s’est aperçu que « les salles de banquets (d’un hôtel), c’est même plus grands que les cuisines et on comprend bien pourquoi ce n’est pas juste la salle du banquet comme les cuisines qui ne sont pas juste la cuisine. » Même si Lorraine Pintal a déclaré que « ce roman se lit avec aisance », c’est étourdissant de lire 214 pages écrites dans cette veine. L’honnêteté intellectuelle exige de signaler les trouvailles heureuses. L’enfant sait « jouer un tour aux yeux de sa panse en attendant de trouver de la croûte à casser. » Mais, en général, l’écriture ressemble à celle d’un philosophe imitant maladroitement les gaucheries grammaticales d’un héros narrateur, qui s’exprime avec un ON. Il devient indéfini comme le pronom qui le représente, et observateur neutre d’un microcosme hôtelier favorisant son initiation sociale. Le procédé est logique et habile, qualités que noient les répétitions, qui ne font plus sourire tellement elles sont nombreuses. Les protagonistes ont des gros yeux « avec des sourcils qui viennent avec », les tables ont « des pattes qui viennent avec ». Répercuté à chaque page, l’élément descriptif perd de sa saveur humoristique. Humour qui se gâte quand le narrateur s’habitue à porter un dentier perdu « après avoir tout craché les petits bouts de carottes, de haricots, de melons et de lolos. » Y avait-il du sein rôti au menu ?

La crédibilité de l’œuvre laisse filer son impact quand le profil psychologique de ce petit personnage fantôme l’établit comme un voyeur des mœurs sexuelles du personnel et des clients de l’hôtel. Sa curiosité l’identifie davantage au désaxé qu’à celui qui s’initie au mythe de Sisyphe. Et le vase déborde quand il conclut ses observations par un « Mangez donc d’la marde, mes osties ! » Vus sous cet angle, les travailleurs de l’hôtellerie paraissent petits et plutôt pervertis.

Bref, ce projet littéraire révèle le manque de maturité d’un jeune professeur comme auteur. Il allie le gongorisme pour s’imposer à la vulgarité racoleuse des humoristes québécois. La thématique est traitée avec plus d’à propos par Guy Lalancette dans Les Yeux du père.