Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Jacob, Suzanne.

Wells. Éd. du Boréal, 2003, 80 p.

Des jumeaux en deuil

La gémellité est un thème rarement abordé en littérature québécoise. Aude et Sylvie Gagnon ont déjà écrit une oeuvre intéressante à ce propos. Avec Wells, Suzanne Jacob ajoute un roman à la courte liste. Elle présente deux jumeaux dizygotes, qui se rencontrent à l'occasion de la mort de leur père, survenue vingt ans après celle de leur mère, dans un hôtel d'une station balnéaire du Maine, éponyme du titre.

Il s'agit d'une sœur et de son frère, amenés à mieux se connaître à cause des circonstances. Jeune, le garçon était dépendant de sa sœur. Devenu adulte, il s'était distancié d'elle en prenant la relève de son père comme commerçant de voitures alors que sa sœur menait une carrière de chanteuse en Europe. Séparés depuis deux décennies, ils doivent affronter un deuil qui risque de faire d'eux des êtres sans amarres. Jusque-là, seule la beauté qu'ils avaient héritée de leur mère fournissait leur ancrage. Liens très ténus pour établir une appartenance. Ce travail n'est pas facile quand des parents, étrangers à eux-mêmes, disparaissent sans laisser de manuel de survie familiale.

Suzanne Jacob oblige ses héros à reconstituer leurs archives pour qu'ils trouvent la tranquillité d'esprit, prémices à leur bonheur. Le lecteur est invité à assister patiemment au long cheminement de ces jumeaux même si le roman ne compte que 80 pages. Il y a des pavés qui se lisent vite, mais l'inverse est aussi vrai. Surtout quand l'écriture enrobe le quotidien d'une couche poétique pour qu'il ressemble, en paraphrasant l'auteure, à une missa gemellorum, une messe des jumeaux réservée à ceux qui aiment la retenue du chant grégorien.