Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Arsenault, Mathieu.

Album de finissants.
Éd. Triptyque, 2004, 142 p.

L'École du conformisme

Dans Album de finissants, des jeunes nous indiquent que l'école a voulu les transformer pour les adapter aux besoins d'un système en mal de gains. En somme, il semble qu'elle vise moins leur bonheur que d'en faire des copies formatées au service du pouvoir économique, pour le plus grand plaisir des parents préoccupés par le succès futur de leur progéniture.

L'œuvre est une radiographie du cerveau des élèves qui réfléchissent à leur quotidien marqué par la crainte des examens, les devoirs, l'éveil de la sexualité et le ras le bol des contraintes. L'école ne semble pas répondre à la psychologie de sa clientèle, dont la candeur et le romantisme achoppent sur la façon unique d'être en société. Dans ce contexte, plusieurs ne pensent qu'à quitter la compétition gagnée d'avance par les meilleurs. On perçoit donc l'institution scolaire comme la fabrique des " putes du savoir " au profit des dirigeants.

Comme à vingt ans on sait refaire le monde, Mathieu Arsenault, né en 1976, se montre très iconoclaste. Les adultes sont responsables de tous les malheurs. L'auteur ne fait aucunement allusion à la réalité souterraine comme le " taxage ", la drogue, le harcèlement, la violence, voire les assassinats redevables souvent aux gangs de rue. Le point de vue adopté est intéressant, mais il évacue l'impact des pairs sur ce qui se vit en marge des objectifs de la scolarité.

Si l'auteur prône une instruction plus appropriée aux besoins des jeunes du cours secondaire, son écriture suit aussi la même veine. Chaque réflexion s'étale sur une page composée d'une seule phrase formulée à partir d'une grammaire renouvelée. Un peu à la manière d'Édouard Dujardin, Mathieu Arsenault traduit la pensée vagabonde de ses personnages dans une " phrase pas articulable " pour correspondre à la fluidité des idées qui frappent l'esprit. La technique ne représente pas un obstacle pour les envolées poétiques : " Il fait un froid académique voyez le givre sur les lignes vides les pages blanches qui s'empilent pleurez oiseaux de février je suis un gel d'horaire à moi tout seul [...] tellement il gèle tellement il neige je suis la nouvelle norvège. " On croirait lire du Nelligan auquel certains élèves s'identifient à cause de leur crainte de " sombrer dans l'abîme du rêve " sous la houlette des " marins profanes ".

Malgré la forme et l'écriture éclatées qui représentent un écueil pour le lecteur pressé, le roman est quand même une analyse juste de l'état d'esprit des élèves apparaissant dans tous les albums de finissants. Comme dans Les Plus Belles Années d'Yvon Paré, Mathieu Arsenault a adopté leurs points de vue, au détriment cependant d'une intrigue, pour brosser un tableau partiel et partial de la fréquentation scolaire.