Paul-André Proulx

Littérature Québecoise

Labrèche, Marie-Sissi.

Borderline. Éd. du Boréal, 2000, 158 p.

Fillette névrosée

Il est triste de voir des jeunes en peine dans les rues du centre-ville de Montréal. Ils attendent aux bouches du métro des connaissances avec qui ils partageront leur infortune le temps d'une soirée. Ou bien ils quêteront pour se payer de la came ou offriront leur corps aux bien-pensants avides de la chaire fraîche de ces âmes rabougries.

Ces jeunes sont les fruits d'une éducation carencée. Borderline l'illustre éloquemment. Voici une fillette élevée par une grand-mère manipulatrice qui a rendu folle sa fille et qui poursuit la même oeuvre diabolique avec sa petite-fille. Elle l'élève dans la honte de la condition féminine. " Les hommes ne sont que des porcs qui nous salissent ", dit-elle. Cette vision engendre un dégoût de soi, qui débouche curieusement sur une pratique sexuelle avilissante.

Au Québec, Nelly Arcan, Andrée Laberge et Pauline Gélinas pointent la même réalité. Elles servent une leçon magistrale aux parents en leur indiquant les conséquences funestes de leurs carences. Ce n'est pas en transmettant la honte de la sexualité à ses enfants qu'on en fera des adultes sains à cet égard. Ce n'est pas non plus en éloignant les filles des hommes qu'on les protégera. Ils jouent un rôle trop capital dans leur éducation. Les romans des auteurs précités montrent des jeunes femmes qui crient toutes désespérément après le père. Père absent, fille manquée.

C'est un cri d'alarme que lancent ces auteurs. Elles dénoncent le mal dont sont victimes ces jeunes rejetés, ballottés ou mal aimés. Certains refusent leur indignité en se suicidant comme c'est le cas pour l'héroïne d'Andrée Laberge. Heureusement, les héroïnes d'Arcan et de Labrèche, se sentant sur le borderline de l'irrémédiable, ont pensé à la thérapie.

Borderline est un premier roman qui n'est pas sans maladresses. L'auteure tartine épais, mais les faiblesses sont compensées par son authenticité. C'est un roman pertinent, mais si on cherche à s'émoustiller ou si on se scandalise facilement, on risque de rater le message. En complément de lecture, il serait profitable de poursuivre avec L'Homme au complet de Aude, qui identifie ces carences parentales.