Paul-André Proulx

Littérature Québecoises


Amyot, Linda.

Les Heures africaines. Éd. Leméac, 2013, 131 p.

Le Temps qui tue

Quand le temps file comme des heures africaines, c'est-à-dire à pas de tortue, les masques tombent à l'avantage ou au désavantage de ce qui est inhibé. Les sensibilités deviennent percutantes. Autrement dit, Linda Amyot a l'art de percer l'intimité de ses personnages pour débusquer la face cachée de leur personnalité.


Pour s'y faire, elle dirige ses protagonistes vers l'ailleurs. Ses 14 nouvelles empruntent la route de la Martinique, du Mexique, de l'Italie, de l'Irlande, du Vietnam, du Danemark, des États-Unis… Le contexte géographique n'est qu'un prétexte pour déboucher sur une dimension qui dépasse les héros entraînés dans leur monde parallèle composé de sentiments jamais exprimés. La retenue semble la norme qui façonne les âmes emprisonnées par des conduites dictées par la peur d'être ce qu'elles sont.

À Venise, la visite d'un cimetière amène un couple à sentir ce qui est mort en eux. En Nouvelle-Angleterre, un autre couple réalise leur solitude en présence d'un phoque solitaire près d'une plage désertée. À Cuba, ce sont les illusions qui s'envolent. Tout ce qui compose le mal-être éclate quand le temps perd de son importance. L'activisme est le meilleur des somnifères. En somme, chacun réalise qu'il aurait pu vivre plus intensément, goûter à la vie plus goulument. Au contraire, le temps a érodé comme la mer les rives de sa personnalité.

La plume de l'auteure est économe. Avec peu de mots, elle décrit parfaitement les maux de l'âme, elle suspecte les tsunamis qui s'organisent et découvre les fêlures qui causent les effondrements. Bref, Linda Amyot sert une mise en garde à tous ceux qui ne veulent pas mourir à eux-mêmes.