Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Théocharidès, Nathalie


Nos cœurs torréfiés.

Éd. Leméac, 2020, 133 p.
Vie de femme

Nathalie Théocharidès est une Québécoise née à Montréal. Son carquois compte plusieurs flèches. Elle les décoche vers de nombreuses cibles dont celle de l'écriture. En 2020, elle franchit l'enceinte de la littérature avec un recueil de nouvelles qui circonscrit l'univers de la femme.

Qui sont ces femmes? L'auteure en a répertorié plusieurs modèles. Contrairement à la chanson qui clame qu'elles sont fragiles, celles du recueil relèvent des défis qui, pour d'autres, les détruiraient à jamais. Elles ne sont pas abonnées au magazine Elle ni au Devoir. Elles ne lisent même pas les publications à potins, sauf en cachette peut-être. Et Cannabis ne fait pas partie de leurs connaissances pas plus que Bacchus. Elles ne sont pas féministes non plus. Les œuvres de Simone de Beauvoir ne reposent pas sur leur table de chevet pas plus que le sachet d'un condom.

Ce qu'elles ne sont pas ne les empêche pas de vivre intensément. Nathalie Théocharidès les surprend à un moment particulier de leur existence. Elle ne fouille ni l'amont ni l'aval de ses protagonistes. Elle les situe devant un fait accompli. Que fais-je ou que veux-je, se disent-elles? Chose sûre, elles vont s'assumer ni pour le meilleur ni pour le pire. Elles s'adaptent aux circonstances en tirant leurs marrons du feu.

On ne côtoie pas un univers flyé, mais le recueil n'est pas enfariné pour autant dans la banalité. Le quotidien peut être intéressant aussi quand on le regarde par le bon bout de la lorgnette. Si on ne souffre pas de presbytie, on se rend compte que le plancher des vaches est de guingois. Il ne reste qu'à le redresser. C'est ce à quoi s'appliquent les femmes du bouquin, qui attendent que leurs situations corsées trouvent un issu à leur cœur torréfié, d'où le titre.

C'est reposant de naviguer dans des eaux connues. C'est comme visionner un film deux fois. On y découvre des choses qui ont échappé àl'attention. L'auteure a emprunté les mots justes pour faire sentir qu'être femme, ce n'est pas si facile. Ce n'est pas qu'elles soient fragiles. C'est que le maudit bonheur, comme le chante Michel Rivard, n'a pas encore décidé de l'heure idéale pour se pointer.

C'est concis et sans esbroufe. L'auteure va droit au but en s'en tenant aux normes de la nouvelle littéraire : un élément déclencheur, une réaction et un aboutissement inattendu. C'est bien ficelé et écrit avec simplicité. Et le point fort du recueil reste son homogénéité. Le fil conducteur n'est jamais rompu par une digression prétentieuse pour étaler la grande culture de l'écrivaine. Ô femme, que vis-tu? Et elle répond à la question en s'inspirant parfois de faits connus et convenus. Mais l'application de l'auteure envoie ces bémols aux oubliettes