Paul-André Proulx

Littérature Québecoises

Lemieux, Jean

On finit toujours par payer. Éd. La Courte Échelle, 2003, 253 p.

Folie meurtrière aux Îles-de-la Madeleine

Les baby-boomers dépouillent peu à peu l'archipel des Îles-de-la-Madeleine de ses charmes pour créer un site touristique dépersonnalisé. Avant qu'il ne soit trop tard, Jean Lemieux se sert de cet antre maritime comme toile de fond à ses polars. Ce médecin venu du continent exploite, comme écrivain, la géographie et l'ethnographie propres à ce microcosme composé de pêcheurs. Les Madelinots habitent un havre de paix à l'abri de la criminalité. On imagine qu'ils seraient secoués s'ils apprenaient que l'un des leurs a été assassiné. Pour eux, ce geste condamnable ne pourrait être lié qu'à des éléments extérieurs à la communauté. Les romans de leur ancien médecin de famille, pratiquant maintenant à Québec, ne démentent pas cette prétention.

Mais tout est possible dans un contexte moderne qui veut que la drogue soit un viatique salutaire pour les jeunes. Une nuit d'automne, on a retrouvé Rosalie Richard morte au bout d'un chemin. Était-ce à cause de ses dettes reliées à sa consommation ou encore à cause d'une tout autre raison ? C'est le lieutenant Gingras, un détective de l'extérieur, qui est mandaté pour mener l'enquête. Selon lui, il est clair qu'il s'agit d'un meurtre gratuit commis par un déséquilibré. Le sergent André Surprenant, un policier des îles, n'adhère à aucune de ces hypothèses. Il penche plutôt en faveur d'une savante mise en scène pour se débarrasser d'une étudiante gênante, accablée par le suicide de son frère. Pour ne pas être taxé d'insubordination, il cueille en parallèle des informations pour étayer sa thèse. Il sait que sa divergence pourrait être une entrave à des promotions éventuelles, voire une cause de destitution. Cette situation crée une atmosphère de tension que l'auteur monte en épingle pour soutenir l'intérêt de cette enquête.

À l'aide d'un matériel connu, il a concocté un polar dont la trame s'enracine discrètement dans les dédales hospitaliers. L'intrigue tient grâce à un tressage serré de la médecine et du milieu maritime. Outre l'exploitation d'un univers familier à des fins littéraires, Jean Lemieux a su rendre palpable l'ambiance dans laquelle travaillent les policiers. Il a sûrement participé comme coroner à leurs enquêtes. En somme, c'est un polar des plus informatif.

Cet aspect rend l'œuvre intéressante, comme les protagonistes qui sont incarnés dans un vécu qui les distingue. La première partie étoffe convenablement les personnages pour assurer leur crédibilité. Le héros, le sergent André Surprenant, est plus qu'un simple policier. C'est un homme marié qui ne parvient pas à démêler ses sentiments. La victime, Rosalie Richard, est une naïve qui va payer pour ses erreurs de jugement. La deuxième partie est plus faible. L'auteur délaisse quelque peu l'art romanesque en faveur d'un résumé rapide cousu de fil blanc. Malgré cette précipitation incongrue et les invraisemblances, le roman, écrit avec élégance, se déroule dans une atmosphère dramatique qui tient en haleine.